Dans une récente Tour de Garde, les Témoins de Jéhovah affirment que les Eglises chrétiennes du premier siècle formaient une organisation dirigée par un "collège central" constitué des apôtres. Il se servent de cette affirmation pour justifier leur propre structure hiérarchique pyramidale. "S'il en était ainsi au premier siècle, alors il doit en être de même aujourd'hui", nous disent-ils. Mais qu'en est-il réellement ? Que nous disent les sources bibliques et historiques sur l'organisation du christianisme au premier siècle ?
L'affirmation des Témoins de Jéhovah
La congrégation chrétienne du Ier siècle était organisée et bénéficiait de la direction du collège central. Au début, ce groupe était composé des apôtres et, plus tard, d’autres frères y ont été ajoutés (Actes 6:1-6 ; 15:6). Des conseils et des instructions étaient également donnés au moyen de lettres inspirées, écrites par des membres du collège central ou des hommes qui lui étaient étroitement associés (1 Tim. 3:1-13 ; Tite 1:5-9). - La Tour de Garde de novembre 2016 page 11 §9
À la Pentecôte 33 de n. è., les apôtres ont commencé à assumer la direction de la congrégation chrétienne (...). Plus tard, d’autres anciens oints d’esprit ont été ajoutés aux apôtres pour administrer les congrégations. En tant que collège central, ces frères donnaient une direction à l’ensemble des congrégations. - La Tour de Garde de février 2017 page 24 §4
Le collège central des Témoins de Jéhovah sous-entend donc, sans toutefois l'affirmer franchement, qu'ils sont le pendant moderne des apôtres du premier siècle et que tous les chrétiens devraient logiquement suivre leur direction pour faire la volonté de Dieu. Mais la direction des apôtres du premier siècle est-elle comparable à la direction du collège central des Témoins de Jéhovah aujourd'hui ?
Ce que dit la Bible
L'exemple de l'apôtre Paul
Ne pouvant faire beaucoup mieux, je reprends ici la très bonne argumentation développée par Raymond Franz dans son livre "A la recherche de la liberté chrétienne" (pages 36, 37) :
Il ressort des déclarations puissantes, et franches de l’apôtre Paul dans sa lettre aux Galates, qu’il ne considérait pas Jérusalem comme étant le centre administratif divinement désigné pour toute l’activité des congrégations sur la terre. Si un tel collège central désigné par Christ avait existé, il est sûr qu’après sa conversion, Paul l’aurait contacté rapidement, pour rechercher humblement ses conseils et sa direction d’autant plus qu’il était appelé par Jésus à assumer la lourde responsabilité d’être "un apôtre des Gentils" (Actes 9:15; Romains 11:13). Si un tel collège central avait existé, il aurait certainement été intéressé de coordonner son travail avec les membres du collège. Ne pas prendre contact et ne pas se soumettre à la direction du ‘collège central’ désigné par Jésus aurait été un grave manquement au respect de l’ordre théocratique.
Seulement Christ ne dit absolument rien à Paul (Saul) quant à se rendre à Jérusalem. Au lieu de le renvoyer à Jérusalem la ville d’où Paul venait, Christ l’envoya à Damas. Il donna les instructions qu’il avait à donner à Paul par l’intermédiaire d’Ananias de Damas, qui n’était aucunement un membre du "collège central" basé à Jérusalem (Actes 9:1-7; Actes 22:5-16). Même au début de sa lettre au Galates, Paul lui-même se donna beaucoup de mal pour faire tout simplement que, ni son apostolat ni sa direction spirituelle ne proviennent de, ou à travers des hommes, y compris les apôtres de Jérusalem (Galates 1:1, 10, 11). Il insista sur le fait qu’après sa conversion, il ne se tourna pas vers quelque centre d’autorité humaine, en disant :
Dieu à jugé bon de révéler son Fils à mon sujet, pour que j’annonce aux nations la bonne nouvelle le concernant, je n’ai pas aussitôt consulté la chair et le sang. Je ne suis pas non plus monté à Jérusalem, vers ceux qui étaient apôtres avant moi, mais je suis parti pour l’Arabie, et je suis revenu de nouveau à Damas [En Syrie]. - Galates 1:16, 17
Ce ne fut que trois ans plus tard que Paul fit un voyage à Jérusalem. Il spécifia clairement qu’à ce moment là il ne rencontra que Pierre, et le disciple Jacques, mais aucun autre apôtre pendant les quinze jours qu’il y resta. Il ne se rendit à aucun "séminaire du quartier général", pour recevoir des instructions lors d’une sorte de réunion quotidienne dirigée par un "collège central". C’est ce point de vue là qui ressort quand il dit "voyez en présence de Dieu, je ne mens pas" (Galates 1:18-20).
Ensuite, Paul s’installa à Antioche et non à Jérusalem. C’est de là qu’il s’engagea dans des voyages missionnaires, il faisait partie de la congrégation d’Antioche, et c’est elle qui l’envoya et non celle de Jérusalem. Même si Antioche était relativement près de Jérusalem (Antioche est située sur la côte de la Syrie, Paul ne vit aucune raison ou occasion de retourner dans cette ville). Comme il dit, "Puis après quatorze ans je revins de nouveau à Jérusalem avec Barnabas, et Tite. Mais je suis monté par suite d’une révélation." D’après les descriptions données, ceci a du avoir lieu lors d’un concile sur la circoncision et sur le rôle de la Loi, raconté dans Actes chapitre 15. Paul déclare que " par suite d’une révélation", il est allé à Jérusalem. Ceci montre que les Chrétiens n’avaient ni l’habitude ni la routine de regarder vers Jérusalem comme le siège d’une autorité centralisée pour toutes les congrégations Chrétiennes, l’endroit ou des questions de toutes sortes étaient résolues pour tous. Il a fallu une révélation divine pour que Paul entreprenne ce voyage particulier.
Ainsi nous comprenons par l'exemple biblique de Paul qu'il n'y avait à son époque pas d'autorité centralisée à laquelle il devait se référer ou de laquelle il recevait des instructions.
Le cas particulier du concile de Jérusalem
L'argument préféré des Témoins de Jéhovah consiste à prendre exemple sur l'épisode du "concile de Jérusalem" relaté en Actes 15 pour justifier leur organisation pyramidale. Toutefois, il est à noter que ce concile, portant sur la circoncision des non-Juifs, fût une exception dans l'histoire du christianisme originel. De plus le récit nous montre que la décision finale, loin d'avoir été prise par un conseil restreint lors d'une réunion secrète (comme c'est le cas chez les Témoins de Jéhovah), a été prise par de nombreux intervenants au terme d'un long débat. Le verset 12 parle d'une "multitude" dont beaucoup, tels Jacques le frère de Jésus ou même des Pharisiens convertis au verset 5, n'étaient pas apôtres !
En complément, je reproduis ici la suite de l'argumentaire de Raymond Franz tiré de son livre "A la recherche de la liberté chrétienne", pages 37-40 :
Le passage des Actes chapitre quinze montre pourquoi Jérusalem fut l’endroit logique pour se rendre à cette contestation. Le passage n’indique nulle part que Jérusalem était le lieu d’une sorte de corps administratif international. Il était plutôt là principalement parce que Jérusalem elle-même était la source d’ennuyeux problèmes que Paul et Barnabas avaient rencontrés à Antioche où ils servaient. Les choses avaient été relativement tranquilles à Antioche jusqu'à ce que "des hommes de Jérusalem" descendent et causent des troubles en prétendant que les Chrétiens Gentils devaient se faire circoncire et garder la Loi. La congrégation en était à ses débuts à Jérusalem. La Judée avec sa capitale Jérusalem était le lieu où il y avait de forts encrages pour conserver la loi; cette notion prévalait d’une manière plus intense parmi les personnes professant le Christianisme, et cette attitude se poursuivit même des années après que ce concile particulier se soit tenu. Les fauteurs de troubles à Antioche étaient ceux de Jérusalem. Cet élément et pas simplement la présence des apôtres, à fait de Jérusalem le lieu naturel pour la discussion et le règlement de ce problème particulier. La présence des apôtres divinement choisis était évidemment un élément de poids. Les apôtres étaient proches de leur mort, et il n’y avait ensuite personne pour leur succéder, personne avec des dons et une autorité apostoliques, voila pourquoi il leur fallait régler ce problème particulier. La situation fut donc qu’au milieu du premier siècle il n’y eu pas "d’Ordre" permanent ou continu, et de ce fait le modèle n’est pas applicable aujourd’hui.
D’ailleurs il n’en reste pas moins vrai que même quand les apôtres, étaient à Jérusalem, l’apôtre Paul n’a jamais vu une classe dirigeante, un collège central, dans le sens d’un centre administratif international, "Le quartier général de l’organisation" (...). Le récit en fait, indique que ce n’était pas un certain groupe d’hommes avec une autorité administrative spéciale qui se réunissaient en secret pour prendre des décisions. Au lieu de cela les Écritures nous montrent des rassemblements d’importances différentes, une assemblée d’anciens de Jérusalem, avec l’ensemble des congrégations exprimant éventuellement son avis, en ayant un regard au moins sur certains aspects des décisions qui leur parvenaient. Ceci ne ressemble pas et de loin à l’organisation d’aujourd’hui des Témoins de Jéhovah et de son "Collège Central" situé à Brooklyn.
En reconsidérant cette position, il devint alors évident pour moi que si un "collège central" avait existé comme corps administratif dans la congrégation primitive, alors il aurait été évident qu’une simple réunion à Jérusalem aurait suffit pour régler cela. Nulle part dans le reste des Écritures tout ceci n’apparaît. Dans tous les écrits de Paul, Pierre, Jean, Luc, Jude, ou Jacques, aucune indication ne peut être trouvée comme quoi des hommes à Jérusalem, ou encore un groupe d’hommes exerçait un contrôle de surveillance sur l’ensemble des lieux où les Chrétiens habitaient. Rien n’indique que les activités de Paul ou Barnabas ou Pierre ou quelque autre personne étaient faites sous la direction ou la supervision d’un collège central. Quand les Juifs se révoltèrent contre les lois impériales romaines et quand Jérusalem fut détruite en 70 de notre ère, on peut se poser la question de savoir où les membres Chrétiens du supposé collège central se sont-ils installés ensuite? Il semblerait d’ailleurs raisonnable qu’ils aient laissé au moins quelque indication sur leur destination, dans le cas ou c’était bien sur un arrangement divin, et si un tel corps administratif centralisé était un instrument divin entre les mains de Jésus-Christ, destiné à diriger sa congrégation sur la terre entière.
Les seuls textes scripturaux suivant la chute de Jérusalem sont de l’apôtre Jean. Il écrivit apparemment ses lettres vers la fin du siècle, par conséquent des décennies après la destruction de Jérusalem. Aucune de ses lettres ne fait la moindre allusion à une administration centralisée de frères opérant à ce moment là. Dans son livre de la révélation, il dépeint Christ Jésus envoyant des messages à sept congrégations de l’Asie mineure. Dans aucun de ses messages il n’y a une indication que ces congrégations étaient sous un autre contrôle que celui du Christ. Il n’y a aucun signe d’une quelconque direction de Jésus à travers un collège central visible sur la terre.
L'autorité de l'Esprit-Saint
Le témoignage de l'Ecriture, notamment dans le livre des Actes, met en évidence le rôle décisif de l'Esprit Saint. De fait, il apparaît de manière très claire dans l'Ecriture que ce n'est pas un collège central qui dirigeait les premiers chrétiens mais l'Esprit Saint, l'Assistant promis et envoyé par Jésus lui-même (Jean 14:26). Par exemple, c'est l'Esprit Saint, et pas un hypothétique collège central, qui envoie Pierre vers les païens (Actes 10:19; 11:12). C'est également l'Esprit Saint, et pas un collège central, qui nomme Saul et Barnabas (Actes 13:2, 4). C'est encore l'Esprit Saint, et pas un collège central, qui décide dans quelle contrée Paul et Silas doivent se rendre (Actes 16:6-8). Paul déclare que c'est l'Esprit Saint qui a établi les anciens d'Ephèse à leurs fonctions (Actes 20:28).
Ainsi donc, si Jésus avait voulu mettre en place une autorité centralisée au premier siècle, on l'imagine mal ne pas utiliser cette autorité pour des choses aussi basiques que d'envoyer Paul dans tel ou tel pays. Manifestement, l'Assistant n'a pas été envoyé pour guider un "collège central" mais pour guider chaque chrétien individuellement, qu'il soit apôtre ou non. De cette manière, par son Esprit, Jésus tenait sa promesse d'être toujours aux côtés de ses disciples, quels qu'ils soient et où qu'ils se trouvent (Matthieu 28:20).
Le rôle des apôtres
Si effectivement la Bible nous montre une prédominance des apôtres dans les premières décennies qui ont suivi la résurrection du Christ, l'étendue de leur autorité est toutefois bien loin de ce que voudraient faire croire les Témoins de Jéhovah. Loin d'une autorité dogmatique et autoritaire sur les moindres aspects doctrinaux ou organisationnels, la Bible et les sources historiques montrent plutôt qu'il s'agissait avant tout d'une autorité implicite et légitime qu'ils possédaient en tant que témoins oculaires de Jésus. En effet, le rôle que leur avait confié Jésus n'était pas de prendre le contrôle de tous les croyants mais de servir de fondement solide à la foi chrétienne qui s'étendait dans le monde de par leur puissant témoignage.
Paul a très bien résumé cette idée dans sa lettre aux Ephésiens :
Vraiment donc, vous n’êtes plus des étrangers ni des résidents étrangers, mais vous êtes concitoyens des saints et vous êtes des membres de la maisonnée de Dieu, et vous avez été bâtis sur le fondement des apôtres et des prophètes, tandis que Christ Jésus lui-même est la pierre angulaire de fondement - Ephésiens 2:19, 20
Ce "fondement des apôtres" prenait la forme de leur témoignage et de leur enseignement au sujet de l'oeuvre et de la personne de Jésus-Christ (1 Corinthiens 2:1, 2; Galates 6:14). C'est au travers de ce témoignage que les Eglises grandissaient (Actes 2:42; 4:33). En bref : en tant que témoins oculaires choisis par Christ, les apôtres avaient toute légitimité pour poser les fondements du christianisme (2 Corinthiens 13:10). Dans le cas de l'apôtre Paul, même si il ne faisait pas partie des douze, il a été témoin d'une manifestation extraordinaire du Christ glorifié et en a témoigné avec grande force (1 Corinthiens 9:1; Galates 1:11, 12). Enfin, les apôtres ne demandaient pas à leurs frères de les croire sur parole mais ils accomplissaient de véritables oeuvres de puissance grâce au Saint Esprit (Actes 2:43; 1 Corinthiens 2:3-5; 2 Corinthiens 12:12). Le collège central autoproclamé des Témoins de Jéhovah a-t-il été témoin de quoi que ce soit d'extraordinaire pour que nous ayions besoin de prêter attention à son enseignement ? Ont-ils une quelconque légitimité biblique mise à part celle qu'ils se donnent eux-mêmes ? Ont-ils accompli des oeuvres de puissance ?
A chaque fois que les apôtres ont dû prendre une décision, ce n'était pas de leur propre initiative mais parce qu'ils avaient été spécifiquement sollicités par leurs frères ou parce que la situation l'imposait (Actes 6:2; 15:2). Le rôle des apôtres était avant toute chose de témoigner de Christ et, dans un second temps, de prendre des décisions lorsqu'ils étaient sollicités occasionnellement.
Qu'en est-il de l'apôtre Paul et de ses nombreuses épîtres ? Est-ce la preuve que Paul faisait partie d'un collège central qui supervisait l'enseignement donné aux églises chrétiennes de l'époque ? En réalité les épîtres de Paul étaient destinées avant tout à des églises locales qu'il avait lui-même fondées et dont il se sentait, logiquement, responsable. Elles n'avaient pas vocation à être diffusées à toutes les églises du premier siècle. Ces épîtres n'ont d'ailleurs été ajoutées au canon biblique qu'au IIème siècle. Même chose pour les épîtres de Pierre et les autres. Aujourd'hui c'est parce qu'elles sont considérées comme inspirées de Dieu qu'elles sont toujours valables et qu'elles fortifient tous les chrétiens. On ne peut pas dire la même chose des paroles ou des publications écrites ou validées par le collège central des Témoins de Jéhovah ! N'étant pas inspirées de Dieu elles n'ont strictement aucune autorité pour les chrétiens.
Ainsi force est de constater que l'autorité des apôtres au premier siècle était surtout une autorité de témoignage au sujet de Jésus-Christ, pas une autorité administrative, doctrinale, logistique ou organisationnelle sur l'ensemble des Eglises de l'époque. Il s'agissait avant tout d'une autorité qui reposait sur une réelle légitimité, celle d'avoir été des témoins oculaires du Christ et de produire des oeuvres de puissance par l'Esprit Saint. Les apôtres étaient là en tant que fondateurs, soutiens et référents du christianisme originel, pas en tant que chefs ou juges des Eglises. L'idée d'un "collège central" supervisant les activités de toutes les églises du premier siècle depuis Jérusalem ou ailleurs n'est tout simplement pas biblique. Nulle part dans la Bible nous trouvons des instructions d'un "collège central" pour organiser en détails les réunions chrétiennes ou les activités de prédication par exemple. Bien au contraire, les églises chrétiennes du premier siècle gardaient une grande part d'autonomie et d'indépendance les unes par rapport aux autres, bien que partageant une même foi. C'est ce qui est d'ailleurs confirmé par les historiens comme nous allons le voir dans la partie suivante.
Ce que disent les sources historiques
Voici quelques citations d'ouvrages consacrés au christianisme des origines et à son développement :
Nullement, la situation historique du christianisme à ses débuts, telle que l'impose l'ensemble de la documentation, n'autorise pas à parler d'une Eglise ou de deux Eglises, mais de communautés chrétiennes aussi multiples que diverses, tant dans leurs croyances doctrinales que dans leurs pratiques rituelles. - Simon Mimouni, "Aux origines du christianisme", chapitre 34 (page 293)
A la suite de W. Bauer et d'un bon nombre d'historiens et d'exégètes, on a été amenés à insister de plus en plus sur la multiplicité, la diversité du christianisme à ses origines. On va jusqu'à parler des "christianismes primitifs" (...) Ainsi aux origines coexistent de nombreux courants qui ne sont pas hérétiques dans la mesure où cette notion n'est pas définie, mais qui ne sont pas orthodoxes, et cela pour la même raison... - André Benoît, "Aux origines du christianisme", chapitre 60 (page 515)
Au commencement était la pluralité des rassemblements, de la commensalité et des échanges. Mais qu'est-ce qui amena un si grand nombre de réseaux, nés de la prédication et de l'oeuvre de Jésus, à prendre conscience d'une appartenance commune considérée comme constitutive de leur identité ? La réponse à cette question nous place devant un paradoxe qui semble ressortir à l'essentiel de la foi chrétienne: alors qu'il serait facile de croire qu'un morcellement des premiers mouvements chrétiens empêche de percevoir ce qui fait l'identité et l'unité du christianisme, leur diversité semble au contraire avoir contribué à renforcer sa cohésion. - "Le christianisme à l'école de la diversité", François Vouga, Editions du Moulin, page 97
Plus loin dans le même ouvrage nous lisons :
Leur pluralisme se présente bien plutôt comme l'expression d'une reconnaissance mutuelle qui n'était pas toujours exempte de conflits, il est vrai, mais qui les rassemblait dans leurs différences parce qu'elle faisait partie de leur foi en une vérité qui leur était commune. La notion d'une foi commune en la vérité explique bien, je crois, ce qui caractérise l'identité, l'unité et la diversité du christianisme, et ce qui a assuré son succès dans le monde romain. La première idée est celle de la foi. On ne saurait sous-estimer le fait que le christianisme, dès ses origines, ne se définisse ni comme l'appartenance à un peuple à la manière du judaïsme, ni comme un ensemble de pratiques à la manière des cultes orientaux des dieux guérisseurs, ni comme l'adhésion à une doctrine à la manière des écoles philosophiques exportées de Grèce, mais comme un acte de confiance individuel en un Dieu personnel révélé par un personnage historique, Jésus de Nazareth confessé comme Seigneur. - "Le christianisme à l'école de la diversité", François Vouga, Editions du Moulin, page 99
Raymond Franz, ancien membre du collège central des Témoins de Jéhovah, a également constaté dans le livre déjà cité :
Une fois ceci complètement exposé, il était clairement affirmé [par les Témoins de Jéhovah] qu’après que la congrégation Chrétienne se soit étendue au delà des limites de Jérusalem et de la Judée, un tel collège central agissait d’une manière administrative, comme une autorité centralisée, exerçant la direction de Jérusalem sur toutes les congrégations au premier siècle. Dans aucun livre d’histoire qu’il soit biblique ou religieux je n’ai trouvé quoi que ce soit pour appuyer de telles affirmations.
Les écrits des premiers Chrétiens des deuxième et troisième siècles sont disponibles pour qu’un examen minutieux puisse être fait sur ce thème, mais ces écrits n’indiquent rien, eux non plus, concernant l’existence d’une administration centralisée supervisant les nombreuses congrégations chrétiennes. L’histoire de cette période révèle au contraire quelque chose de tout à fait différent. Elle montre que la base d’une telle autorité centralisée fut le produit d’un développement post apostolique et biblique, qui par un processus progressif sur un espace de temps assez long, eut pour conséquence la création d’une sorte de contrôle centralisé exercé par une organisation dirigeante et visible [l'Eglise Catholique] tel le concept global actuel du collège central. - A la recherche de la liberté chrétienne, pages 36-40
Ainsi, aucune source historique ne vient corroborer l'existence au premier siècle d'un collège central (à Jérusalem ou ailleurs) ressemblant de près ou de loin à celui des Témoins de Jéhovah. Si tel avait été le cas l'Eglise primitive aurait constitué un bloc monolithique, tant dans ses pratiques que dans ses croyances comme l'organisation des Témoins de Jéhovah aujourd'hui. Or ce n'était pas le cas. Entre les judéo-chrétiens et les chrétiens issus des nations païennes, il existait tout un évantail de croyances et de pratiques. Malgré ces différences, tous étaient unis par une même foi, une même espérance, un même Seigneur (Ephésiens 4:4-6). Malgré leurs différences, tous formaient le corps, l'Eglise dont Christ est la tête (1 Corinthiens 12:27; Colossiens 1:18). Nous sommes bien loin de l'organisation des Témoins de Jéhovah dans laquelle quelques hommes imposent à plus de 100000 congrégations une triste uniformité en choisissant pour elles jusqu'au moindre cantique chanté lors de leurs réunions !
Conclusion
Le christianisme tel qu'enseigné par la Bible ne met donc pas en place une hiérarchie pyramidale ou une organisation chrétienne mondiale. Le témoignage de l'Histoire et de la Bible nous dépeignent des églises chrétiennes originelles relativement autonomes et indépendantes, étant toutefois posées sur un même fondement attesté par les apôtres : Jésus Christ mort et ressuscité. Après la mort des apôtres, personne n'a été désigné pour les remplacer. Il n'y a pas de "succession apostolique". Jésus n'a jamais demandé une telle chose. Au contraire il nous a assuré de sa présence personnelle auprès de nous "jusqu'à la fin" et nous a envoyé son Esprit pour nous guider et nous enseigner (Matthieu 28:20; Jean 14:26). Les chrétiens, dans leur ensemble, forment le corps dont Christ est la tête (1 Corinthiens 12:27; Colossiens 1:18). Les chrétiens, dans leur ensemble, sont le temple du Saint Esprit (1 Corinthiens 3:16). Il nous faut individuellement faire confiance à cette autorité divine, pas à des humains, à des organisations ou à des dénominations (Psaume 146:3). A partir du IIIème siècle, l'Eglise Catholique Romaine, prônant la "succession apostolique", a voulu mettre en place une organisation hiérarchique mondiale toujours active aujourd'hui. Force est de constater que les Témoins de Jéhovah sont tombés dans le même travers que leur meilleure ennemie.
Or ce que je fais, je le ferai encore, pour retrancher le prétexte à ceux qui veulent un prétexte pour être trouvés nos égaux dans la fonction dont ils se glorifient. Car de tels hommes sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, qui se transforment en apôtres de Christ. Et rien d’étonnant, car Satan lui-même se transforme toujours en ange de lumière. Ce n’est donc pas extraordinaire si ses ministres aussi se transforment toujours en ministres de justice. Mais leur fin sera selon leurs œuvres. - 2 Corinthiens 11:12-15
Commentaires
« [...] ce fut d’abord à Antioche que les disciples furent par une providence divine appelés chrétiens » - Actes 11:26
La Traduction du monde nouveau est la seule version qui utilise l'expression "providence divine".
Puisqu'il s'agit d'une "providence divine" et si une autorité centrale existait à l'origine à Jérusalem, pourquoi le nom de "chrétiens" a t-il commencé à être donné d'abord à Antioche et non à Jérusalem ?
L'un des passages souvent utilisé par la société Watchtower pour justifier l'autorité du Collège central moderne est Actes 6:1-6 :
www.jw.org/fr/publications/bible/bi12/livres/actes/6/#v44006001-v44006006
« Or, en ces jours-là, comme les disciples se multipliaient, il y eut chez les Juifs parlant grec des murmures contre les Juifs parlant hébreu, parce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution quotidienne. 2 Alors les douze appelèrent à eux la multitude des disciples et dirent : “ Il ne nous plaît pas de délaisser la parole de Dieu pour distribuer [la nourriture] aux tables. 3 Cherchez-vous donc parmi vous, frères, sept hommes qui aient un [bon] témoignage, pleins d’esprit et de sagesse, pour que nous les préposions à cette tâche nécessaire ; 4 mais nous, nous serons assidus à la prière et au ministère de la parole. ” 5 Cette parole plut à toute la multitude, et ils choisirent Étienne, un homme plein de foi et d’esprit saint, ainsi que Philippe, et Prochore, et Nicanor, et Timôn, et Parménas, et Nicolas, un prosélyte d’Antioche ; 6 ils les placèrent devant les apôtres, et, après avoir prié, ceux-ci posèrent les mains sur eux. »
Autres versions : www.enseignemoi.com/bible/actes-6-semeur.html
Ce passage relate tout simplement que des tensions existaient entre les disciples juifs de culture grecque et ceux qui étaient nés en Palestine : les premiers se plaignant de ce que leurs veuves étaient défavorisées lors des distributions quotidiennes prévues. Une forme de favoritisme présente semble t-il.
D'ailleurs, en Jean 13:29, il est fait mention de l'existence d'une caisse commune qui servaient entre autre à effectuer certains achats mais également à donner aux pauvres (veuves y compris, certainement...).
Il est difficile d'imaginer que ce passage puisse avoir expressément été rédigé pour servir de modèle international d'organisation à une génération future.
D'ailleurs, s'il fallait suivre à la lettre ce modèle biblique, aucune caisse n'est prévue par la société Watchtower pour aider localement les pauvres témoins ou non témoins.
L'article : « Une poignée d’hommes pour nourrir beaucoup de monde »
www.jw.org/fr/publications/revues/ws20130715/jesus-nourrit-beaucoup-de-monde/
Tente pourtant de justifier l'autorité centrale du Collège central en faisant une application très étendue du passage de Actes 6:1-6, mais également de celui de Matthieu 14:19 qui dit :
« Après avoir rompu les pains, Jésus les distribua aux disciples, et les disciples aux foules. »
Bien sûr l'idée est intéressante,
Pourtant en Jean 6:26,27, Jésus explique que c'est lui qui donnerait la nourriture qui demeure pour la vie éternelle :
« Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour la nourriture qui demeure pour la vie éternelle, [nourriture] que vous donnera le Fils de l’homme ; car c’est sur celui-ci que le Père, oui Dieu, a mis son sceau [d’approbation]. »
De quelle nourriture s'agit-il ? Doit-on penser que cette nourriture dont parlait Jésus Christ correspond aujourd'hui aux enseignements, revues, livres édités par la société Watchtower, dont le Collège central, un groupe d'homme aux Etats-Unis dirige ?
Dans ce cas, pourquoi la grande majorité de ces enseignements finissent oubliés, caduques et abandonnées avec le temps, ou même révisés ?
Peut-on aujourd'hui attribuer à ce type de groupe religieux le verset de 1 Timothée 3:7 ? :
« [et] qui apprennent toujours mais ne sont jamais capables de parvenir à une connaissance exacte de la vérité. »
Jésus parle pourtant d'une nourriture qui demeure pour la vie éternelle. Dans l'exemple de la samaritaine, Jésus parle aussi d'une eau, Jean 4:14 :
« Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura pas du tout soif, jamais, mais l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour communiquer la vie éternelle. »
Quelle différence y'a t-il entre la nourriture et l'eau distribués par Jésus ?
Le verset de Jean 6:35 apporte une réponse très clair :
« Jésus leur dit : “ Je suis le pain de vie. Celui qui vient vers moi n’aura pas du tout faim, et celui qui exerce la foi en moi n’aura pas du tout soif, jamais. »
La foi en Jésus Christ est donc la source de cette eau.
Comme le mentionne le verset de Jean 6:35 lorsqu'il dit « Celui qui vient vers moi n'aura pas du tout faim... », le verset de Matthieu 11:28 apporte une précision des plus intéressante pour ce qui est de cette nourriture :
« Venez à moi, vous tous qui peinez et qui êtes chargés, et moi je vous réconforterai. »
En d'autres termes, il semble évident que tout Chrétien va vers Jésus Christ en exerçant la foi et en le considérant comme sa source de réconfort, son Sauveur. C'est comme si celui-ci n'avait plus faim symboliquement, puisque cette faim ou besoin inné de réponse et de réconfort se trouve alors entièrement comblé. Continuer d'exercer la foi en celui-ci comble également tous les besoins en eau. D'une manière plus concrète, il est possible par exemple de s'abreuver en relisant les récits bibliques passionnants, notamment les évangiles, ou en partageant votre foi.
Gardez la foi, soyez heureux !
Comme les Israélites ont été effrayés par les manifestations de la puissance de Dieu, ils ont demandé à Moïse de parler à Jéhovah pour eux. Moïse est donc monté sur le mont Sinaï (Ex. 20:18-21). Mais le temps passait, et il ne redescendait pas. Les Israélites se sont-ils sentis prisonniers du désert, privés du guide en qui ils avaient confiance ? Il semble que leur foi dépendait trop de la présence physique d’un guide. Ils se sont mis à avoir peur et ont dit à Aaron : « Fais-nous un dieu qui marchera devant nous, car nous ne savons pas ce qui est arrivé à ce Moïse, l’homme qui nous a fait sortir d’Égypte » (Ex. 32:1, 2).
Question à se poser en tant que TJ: Est ce ma foi ne dépend pas trop (uniquement) de la présence physique d'un guide (CC)?
C'est la page 20 §13 de la TdG du 07/2018
"Et l'ayant trouvé (Banarbas recherchant Saul), il l'amena à Antioche. Pendant toute une année, ils se réunirent aux assemblées de l'Eglise, et ils enseignèrent beaucoup de personnes. Ce fut à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens". (Bible Louis second).
D'après mon analyse, si un collège central existait à Jérusalem, ne serait ce pas lui qui aurait ordonné ce nom à tous les disciples?
D'où mon raisonnement que ce collège central n'existait donc pas.