Qu'implique le "retrait volontaire" chez les Témoins de Jéhovah ? Peut-on sortir dignement de cette organisation ?

Le livre "Organisés pour faire la volonté de Jéhovah" est l'ouvrage de référence pour tout ce qui a trait aux questions pratiques du Témoin de Jéhovah. Il s’agit d’une publication à l’usage exclusif des assemblées des Témoins de Jéhovah, et non diffusée auprès du public, bien qu'elle soit trouvable sur le site officiel. Dans ce livre à usage interne l'organisation donne toute une série de règles et de recommandations destinées à l'organisation du culte au niveau local. La page 142 a particulièrement attiré mon attention puisqu'elle parle du fameux "retrait volontaire" (ce qui est mon cas). Ce que nous lisons ici est profondément affligeant :

LE RETRAIT VOLONTAIRE 

L’expression « retrait volontaire » désigne la démarche d’un membre baptisé de la congrégation qui renie délibérément son état de chrétien en déclarant ne plus vouloir être considéré, ou connu, comme Témoin de Jéhovah. Ou bien il renonce à sa place dans la congrégation chrétienne par ses actes, par exemple en se joignant à une organisation profane dont les objectifs sont contraires aux enseignements de la Bible et qui tombe par conséquent sous le jugement de Jéhovah Dieu (Is. 2:4 ; Rév. 19:17-21).

A propos de ceux qui ont renoncé à leur foi chrétienne à son époque, l’apôtre Jean a écrit : « Ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car s’ils avaient été des nôtres, ils seraient restés avec nous » (1 Jean 2:19).

Quand quelqu’un se retire volontairement, sa situation devant Jéhovah est très différente de celle d’un chrétien inactif, c’est-à-dire qui ne prêche plus. Un chrétien peut être devenu inactif parce qu’il n’étudiait pas régulièrement la Parole de Dieu ou que des difficultés personnelles ou la persécution lui ont fait perdre son zèle pour le service de Jéhovah. A une telle personne, les anciens et d’autres membres de l'assemblée continuent d’apporter une aide spirituelle appropriée (Rom. 15:1 ; 1 Thess. 5:14 ; Héb. 12:12).

Par contre, dans le cas où un chrétien se retire volontairement, on fait une brève annonce pour informer l'assemblée, en ces termes : « [Nom de la personne] n’est plus Témoin de Jéhovah. » On adopte envers lui la même attitude qu’envers une personne excommuniée. - Livre "Organisés pour faire la volonté de Jéhovah" page 142 (c'est moi qui souligne)

Vous avez bien lu : pour les Témoins de Jéhovah, quitter leur organisation revient ni plus ni moins à "renier délibérément son état de chrétien" et à "renoncer à sa foi chrétienne" ! Les Témoins de Jéhovah ont la présomption de revendiquer le monopole du christianisme, rien que ça ! A leurs yeux une personne qui quitte leur religion tout en restant croyante est mise à la même enseigne qu'une personne qui renie le Christ lui-même ! N'est-ce pas là une preuve supplémentaire que cette organisation cherche à s'asseoir sur le trône de Christ ? Car c'est bien de l'antichrist, et non de celui qui quitte les Témoins de Jéhovah, dont parle Jean dans le passage cité :

Petits enfants, c’est la dernière heure. Vous avez entendu dire que l’antichrist vient, or maintenant beaucoup d’antichrists sont apparus ; ainsi nous savons que c’est la dernière heure. Ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car s’ils avaient été des nôtres, ils seraient restés avec nous. Mais ils sont sortis pour qu’il soit mis en évidence que tous ne sont pas des nôtres. - 1 Jean 2:18, 19

L'antichrist étant, selon Jean, "celui qui nie que Jésus est le Christ" comme nous le lisons deux versets plus loin :

Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? Voilà l’antichrist, celui qui nie le Père et le Fils. Toute personne qui nie le Fils n’est pas non plus en union avec le Père. - 1 Jean 2:22, 23

Sortir volontairement des Témoins de Jéhovah, même en restant croyant, revient donc à devenir antichrist selon eux... Cette présomption ridicule serait risible si seulement elle n'entraînait pas des drames personnels chez ceux qui décident de quitter cette organisation en perdant au passage tous leurs contacts familiaux. En effet ces personnes, sans aucune base biblique, sont soumises au même traitement que les excommuniés. Elles sont traitées de la même manière que des fornicateurs, des adultères ou des meurtriers non repentants (voir l'article L'excommunication (exclusion) chez les Témoins de Jéhovah (jw.org) : dossier complet). Il est donc impossible de sortir dignement et sereinement de cette organisation.

Je crois que cette pratique des Témoins de Jéhovah constitue leur dérive sectaire la plus grave et la plus détestable. Elle mérite incontestablement d'être portée à l'attention des autorités d'un maximum de pays. C'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer actuellement en Belgique (procès Jacques L.), en Finlande et en Australie. Espérons que d'autres pays, dont la France, s'attacheront également à lutter contre ces dérives et contribueront à faire évoluer ces règles désolantes au fil des procès dans les prochaines années*.

______________________________

*Il est intéressant de noter qu'entre la version précédente du livre "Organisés" et cette version révisée, un ajout a été fait :

Édition de 2005 :

Ainsi, une personne peut montrer par ses actes qu'elle renonce à sa place au sein de la congrégation chrétienne, par exemple en devenant membre d'une organisation dont les objectifs sont contraires aux Écritures et qui est par conséquent jugée par Jéhovah.

Édition de 2015 :

Ou bien il renonce à sa place dans la congrégation chrétienne par ses actes, par exemple en se joignant à une organisation profane dont les objectifs sont contraires aux enseignements de la Bible et qui tombe par conséquent sous le jugement de Jéhovah Dieu.

Sans doute afin d'échapper aux poursuites pour atteinte à la liberté de religion, le texte a été modifié pour limiter les "actes" entraînant l'excommunication à la fréquentation d'organisations "profanes" uniquement. Dans les faits, cela ne change absolument rien puisqu'un Témoin de Jéhovah qui fréquente une autre Eglise finira forcément par être excommunié. D'ailleurs l'expression "par exemple" laisse implicitement toute latitude aux anciens pour agir de la sorte dans le secret des comités judiciaires.