Devant la menace d'interdiction qui plane sur les Témoins de Jéhovah en Russie, l'organisation a choisi de mettre de côté sa neutralité politique pour interpeller directement le président Poutine, le premier ministre Medvedev et d'autres membres éminents du gouvernement.

C'est par une campagne massive de lettres adressées au gouvernement russe que l'organisation espère obtenir gain de cause auprès des autorités russes. En effet, depuis plusieurs mois maintenant les Témoins de Jéhovah, entre autres, sont menacés d'interdiction à cause du contenu de leurs publications jugées extrémistes. Comme je vous le relatais il y a quelques mois cette interdiction est déjà entrée en vigueur dans certaines régions de ce grand pays.

Voici le dernier communiqué de presse à ce sujet paru mardi dernier sur jw.org :

L’interdiction de leurs activités dans la Fédération de Russie étant imminente, les Témoins de Jéhovah ont décidé de répondre à cette menace en adressant un appel au Kremlin et aux représentants de la Cour suprême. Le Collège central des Témoins de Jéhovah invite les plus de 8 millions de Témoins du monde entier à participer à une campagne mondiale de lettres.

Le 15 mars 2017, le ministère russe de la Justice a déposé une plainte auprès de la Cour suprême pour que le Centre administratif des Témoins de Jéhovah soit classé « extrémiste » et pour qu’il soit dissous. Cette plainte vise également l’interdiction des activités organisées par le Centre administratif. Si la Cour suprême se prononce en faveur de cette plainte, le siège national des Témoins, situé près de Saint-Pétersbourg, sera fermé. En conséquence, près de 400 associations cultuelles risquent d’être dissoutes et les offices religieux tenus par les plus de 2 300 assemblées de fidèles déclarés illégaux. L’État pourrait également saisir les locaux du siège national ainsi que les lieux de culte des Témoins en Russie. En outre, chaque Témoin de Jéhovah pourrait faire l’objet de poursuite judiciaire pour ses seules activités religieuses. La Cour suprême doit rendre sa décision le 5 avril.

« Le Collège central des Témoins de Jéhovah souhaite attirer l’attention sur cette situation critique, déclare David Semonian, un porte-parole du siège mondial des Témoins de Jéhovah. Poursuivre en justice des citoyens non-violents et respectueux des lois en leur collant une étiquette de terroristes revient clairement à détourner les lois russes sur l’extrémisme. De telles poursuites ne reposent sur aucun fondement solide. »

Les Témoins de Jéhovah n’en sont pas à leur première campagne mondiale. Il y a près de 20 ans, ils avaient déjà rédigé des lettres pour défendre leurs coreligionnaires de Russie et réagir à une campagne de diffamation organisée par certains membres du gouvernement de l’époque. D’autres campagnes de lettres ont également été lancées par le passé pour demander aux autorités de certains pays comme la Jordanie, la Corée du Sud et le Malawi, de mettre un terme aux persécutions infligées aux Témoins de Jéhovah.

« Il n’y absolument rien de criminel dans le fait de lire la Bible, de chanter et de prier avec ses coreligionnaires, ajoute M. Semonian. Nous espérons que notre campagne mondiale de lettres incitera les autorités russes à arrêter cette action injustifiée à l’encontre des Témoins. » - jw.org

Un document PDF contenant les instructions destinées aux fidèles est téléchargeable sur cette même page.

Le collège central des Témoins de Jéhovah a envoyé un courrier à toutes les congrégations du monde à ce sujet. Selon la nouvelle loi russe, quiconque partage sa foi, distribue de la littérature ou joue d’un instrument de musique en dehors d’un lieu de culte officiel peut être accusé d’activité missionnaire illégale et risque une forte amende ou la prison. Désormais, toute personne qui s’exprime au nom d’une organisation religieuse devra pouvoir présenter à tout moment une déclaration d’enregistrement. 

Soyons clairs : il s'agit clairement d'une violation des Droits de l'Homme à l'encontre des Témoins de Jéhovah et d'autres chrétiens de Russie (voir par exemple ici, ici ou ici). L'action de la justice russe est clairement condamnable.

 

Droits de l'Homme : les Témoins de Jéhovah pas exempts de tout reproche

Du point de vue des Droits de l'Homme, les Témoins de Jéhovah ne sont toutefois pas exempts de tout reproche. En effet, il est bon de rappeler que lorsqu'un Témoin de Jéhovah souhaite changer de religion ou simplement de quitter l'organisation celui-ci devra subir la "perte" de ses amis et des membres de sa famille Témoins de Jéhovah puisque l'organisation leur demandera d'éviter tout contact avec lui. Cette pratique, que la Commission Royale Australienne a récemment qualifiée de "cruelle", va à l'encontre même de la déclaration des Droits de l'Homme et de la liberté de religion pourtant tant défendue par les Témoins de Jéhovah ! En bref, les Témoins de Jéhovah ne garantissent pas à leurs propres fidèles la liberté de changer de religion sans subir de contraintes. Voir à ce sujet l'article L'excommunication (exclusion) chez les Témoins de Jéhovah (jw.org) : dossier complet

Cette pratique de "chantage affectif", parmi d'autres raisons, fait partie des éléments sur lesquels s'appuie la justice russe pour qualifier les Témoins de Jéhovah d'extrémistes, même si, encore une fois, la décision d'interdire complètement cette organisation est abusive. Il faudrait au contraire laisser la liberté aux Témoins de Jéhovah d'exercer leur culte tout en contrôlant ou en leur imposant de modifier certaines de leurs pratiques liberticides.

Voir aussi : Dossier : Les Témoins de Jéhovah (JW.ORG) sont-ils une secte ?