Dès le milieu des années 1930, la Société Watchtower enseigna dans ses publications que Jésus-Christ avait été cloué sur un poteau de supplice constitué d’une simple poutre de bois. Aujourd’hui, les Témoins de Jéhovah du monde entier sont convaincus que la croix est étrangère au Christianisme authentique et qu’elle n’a aucunement sa place dans le culte chrétien. Ils affirment qu'en rendant le mot grec σταυρος (stauros) par « croix » dans leurs traductions de la Bible, c’est en réalité le paganisme que les églises de la Chrétienté ont introduit dans les Saintes Ecritures. Qu'en est-il dans les faits ?

NB : les numéros en gras en entre parenthèse renvoient aux notes (dernière page de l'article, que je vous invite à ouvrir dans un nouvel onglet pour plus de facilité).

Il serait utile, pour commencer, de résumer les arguments avancés par la Société pour conforter ses affirmations, à savoir que Jésus mourut sur un simple poteau (doctrine du « poteau de supplice »). Selon elle, les écrivains bibliques de servirent de deux mots grecs pour désigner l’instrument sur lequel Jésus fut exécuté : σταυρος (stauros) et ξυλον (xulon). Le premier terme correspond littéralement à un « poteau » et non à une « croix » et le deuxième à un « arbre ». Ainsi, tous les deux ne sont qu’une simple poutre de bois. Enfin, les traducteurs latins du Nouveau Testament employèrent le mot latin crux, qui lui aussi ne veut rien dire d’autre que « poteau ». D’où la conclusion formelle de la Watchtower : C’est sur un poteau de supplice que Jésus a dû être exécuté (Cliquez ici pour voir l'illustration tirée de JW.ORG). 

A première vue, les arguments en faveur d’une traduction de σταυρος par « poteau » peuvent sembler raisonnables et corrects. Les nombreux articles qui examinent ce sujet et qui ont été publiés dans la littérature de la Société citent un nombre assez impressionnant de sources profanes, de lexiques et de commentaires bibliques. Tout semble donc évident. Cependant, si on prend la peine de consulter ces ouvrages, les déclarations de la Société s’écroulent tel un château de cartes. Et après un examen de l’ensemble des preuves, il saute clairement aux yeux qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une manoeuvre partiale visant à expurger le Christianisme du « paganisme », même lorsque les faits indiquent le contraire.

Examinons, par exemple, l’histoire de la doctrine du « poteau de supplice », telle qu’elle est proposée par la Société. D’après l’Annuaire de 1975, cette doctrine ne fut pas le résultat d’une analyse biblique attentive, mais elle fut instaurée par décision du Juge Rutherford qui abhorrait le symbole de la croix. Au début, les Etudiants de la Bible dirigés par Charles Taze Russell acceptaient la croix comme emblème chrétien. Russell l’incorpora dans son symbole du Royaume Millénaire – une croix insérée dans une couronne. Dès 1891, on trouva ce symbole « croix et couronne » sur les couvertures de la Tour de Garde. On pouvait également le voir sur une plaque qui ornait un des murs du cabinet de travail de Russell (1).

La croix apparaissait sur les premières Tour de Garde
La croix apparaissait sur les premières Tour de Garde

 

Les Etudiants de la Bible portèrent même un insigne en forme de croix et couronne. Carey W. Barber, membre du Collège Central des Témoins de Jéhovah, la décrivit ainsi : « C’était un véritable insigne. Que représentait-il ? Deux branches de laurier qui encadraient une couronne traversée d’une croix inclinée. Cela faisait assez bel effet ; en tout cas cela représentait l’idée que nous nous faisions à l’époque sur tout ce qui comportait le fait de prendre notre « croix » et de suivre Jésus-Christ, afin de nous rendre dignes de porter en temps voulu la couronne de la victoire. » (2) Toutefois, Rutherford ne trouvait pas du tout que « cela faisait assez bel effet ». Pour lui, la croix n’était rien d’autre qu’un symbole païen, et comme le rappelle quelqu’un qui fut longtemps Témoin de Jéhovah : « Dans l’esprit de Rutherford, tout cela était babylonien et il fallait s’en défaire. Ainsi qu’il nous le déclara, quand on allait chez les gens et qu’on commençait à leur parler, c’est cela qui était le témoignage. » (3)

Il fallut huit ans à Rutherford pour extirper la croix du milieu des Etudiants de la Bible. Sa première tentative eut lieu en 1928, lorsqu’il demanda à ses adeptes, réunis en assemblée à Detroit, de se débarrasser de ce bijou, qui n’était « pas nécessaire » et qu’il était même « mal de porter » (4) En 1931, l’emblème fut retiré des couvertures de la Tour de Garde. Dès ce moment, le symbole de la croix devint non biblique, non chrétien et impie. Il fut relégué au rang des pièges interdits de l’organisation de Satan. Paradoxalement, les Témoins continuèrent de professer que Jésus avait été exécuté sur une croix traditionnelle. Une telle contradiction dans le système doctrinal ne put que perturber Rutherford. Il sentit donc le besoin de réviser ses hypothèses quant à la Passion. C’est ainsi que, sans faire trop de publicité, il exposa sa nouvelle vision des choses dans le livre Richesses. Voici ce qu’il écrivit à la page 25 : « Ce n’est pas sur une croix de bois telle qu’on la représente sur tant d’images et de tableaux que Jésus fut crucifié ; mais simplement sur le bois. » (5) A noter que Rutherford ne vit apparemment rien d’anormal (comme le fait encore fréquemment la Société de nos jours) d’employer le mot « crucifier » lorsqu’il parlait de la mise au poteau.

Ainsi, selon l’aveu même de la Société, l’érudition biblique n’eut vraiment rien à voir avec l’adoption de la doctrine du « poteau de supplice ». Depuis l’époque où Nathan H. Knorr remplaça Rutherford à la présidence, la Société a tenté d’étayer ses dires en citant des sources réputées, extérieures à la Watchtower. Cet article examinera la validité de la position officielle de la Société en cette matière et démontrera que les Témoins ont été trompés par une fausse argumentation qui leur a fait croire que la doctrine du « poteau de supplice » est une vérité biblique et qu’il n’existe aucune preuve de la mort de Jésus sur une croix traditionnelle.


Les arguments avancés par la Société pour maintenir sa doctrine du « poteau de supplice » reposent uniquement sur des bases sémantiques, à savoir qu’au premier siècle, σταυρος (stauros), ξυλον (xulon) et crux ne se référaient pas à une croix avec barre transversale. La Société n’a jamais recouru à l’archéologie ou à l’histoire pour prouver que Jésus mourut de la façon qu’elle décrit, bien que le Comité de la Traduction du Monde Nouveau ait un jour exprimé sa confiance dans le fait que ce qu’elle affirme serait prouvé dans un avenir plus ou moins proche. (6) L’usage des dictionnaires étant largement répandu dans notre culture, la Société en conclut que la signification d’un mot correspond simplement à la définition du dictionnaire. Elle en déduit donc que la définition étymologique ou de base d’un mot est correcte. C’est pourquoi les exégètes de la Watchtower affirment que σταυρος et ξυλον ne peuvent être compris que « d’après leur signification la plus simple ». (7) Cette approche est tout aussi malencontreuse que d’insister sur le fait que le mot « pieu » se limite à décrire une petite pièce de métal enfoncée dans le sol d’un champ pour en marquer la superficie ou y attacher un animal, alors qu’il peut aussi correspondre à une longue pièce en béton armé utilisée pour la construction de bâtiments. Les termes évoluent avec la technologie. Pour citer un autre exemple, le mot « train », dérivé du latin trahere, « tirer », se référa longtemps à des convois tirés par des locomotives à vapeur. Mais il est évident qu’à notre époque, il évoque un concept bien différent. Les mots σταυρος et crux, qui se rattachent à une ancienne pièce faisant partie de l’arsenal des instruments d’exécution, ne furent pas, eux aussi, toujours limités à leur signification étymologique de base, mais se rapportèrent à une variété d’instruments qui virent le jour.

Les trois sections suivantes démontreront que σταυρος, ξυλον et crux ont une portée bien plus large que celle que les rédacteurs de la Watchtower veulent bien admettre.


Pour les Témoins de Jéhovah, les paramètres sémantiques de σταυρος ne se réfèrent qu’à « poteau » dans le dialecte grec parlé par les premiers Chrétiens. Les phrases suivantes glanées dans leur littérature expriment bien leurs idées :

Le mot stauros en grec classique comme en grec koïnê n’emporte jamais l’idée d’une « croix » faite de deux pièces de bois. Il signifie exclusivement un poteau vertical, un pieu ou un piquet. (8)
Les rédacteurs divinement inspirés des Ecritures Grecques Chrétiennes écrivirent en grec commun (koïnê) et employèrent le mot stauros dans le même sens qu’en grec classique, c’est-à-dire pour désigner un simple poteau ou pièce sans traverse d’aucune sorte faisant un angle quelconque avec le poteau vertical. Il n’y a aucune preuve du contraire. (9)
En grec classique, ce terme [σταυρος] désignait simplement un poteau dressé, ou pieu. Plus tard, il en est venu à s’appliquer à un poteau d’exécution muni d’une barre transversale. (10)

Ces énoncés pour le moins péremptoires reflètent-ils avec exactitude le large éventail des significations de σταυρος ?

Etymologiquement, le mot stauros peut se définir comme « un objet qui tient ferme ». Il dérive de la racine proto-indo-européenne « sta » que nous retrouvons par exemple dans « stable » (du latin « stabilis », propre à la station verticale, qui se tient debout, ferme). (11) Σταυρος a tout d’abord été utilisé pour désigner une sorte de poteau ou de pieu pointu destiné à construire des palissades. On en retrouve les premières attestations dans l’Odyssée d’Homère : « A l’extérieur, il avait disposé tout autour des pieux [σταυρους] nombreux et serrés, coupés dans le coeur du chêne » (12) Pour information, Σκολοφ (skolof) était un synonyme de σταυρος, mais moins fréquent (13).

Les auteurs grecs employèrent σταυρος pour désigner un poteau ordinaire au cours de la période classique (du 8ème au 4ème siècle avant JC) et hellénistique (du 4ème siècle avant JC au 4ème siècle de notre ère). (14) Toutefois, au cours de cette période, la portée sémantique de σταυρος subit deux expansions significatives. La première eut lieu au cours des guerres grécoperses (499 - 479 avant JC). A la suite de ces conflits, les Grecs introduisirent dans leurs contrées le mode d’exécution perse qui consistait à clouer le criminel ou le prisonnier sur un poteau. Ce qui différenciait cette mise au poteau de l’empalement, c’est que la victime vivait encore lorsqu’on lui enfonçait les clous. (15)

De nos jours, les érudits utilisent le terme « crucifixion » pour désigner cette pratique, peu importe la forme de l’instrument utilisé. « Il semble que ce soit les Perses qui les premiers inventèrent ou se servirent de ce mode d’exécution. Ils procédèrent probablement ainsi afin de ne pas souiller la terre par le corps de la personne exécutée. Car chez eux, la terre était consacrée à Ormuzd. » (16)

Les Grecs désignèrent par σταυρος l’instrument en usage chez les Perses, bien que celui-ci ait des formes très variées. (17) Plus tard, Alexandre le Grand et d’autres généraux grecs utilisèrent le σταυρος perse, qui fut finalement adopté par les Phéniciens et par les Carthaginois. (18)

La deuxième expansion sémantique eut probablement lieu aux alentours du 2ème siècle de notre ère ou peu de temps après. Au cours des guerres puniques (264-146 avant JC), les Romains firent connaissance de la version perse de la crucifixion et, très vite, s’en approprièrent comme peine capitale pour les esclaves. S’écartant du but poursuivi par les Perses, les Romains convertirent le poteau en une brutale machine de torture. Ils lui ajoutèrent une deuxième pièce de bois appelée patibulum, ainsi qu’un sedile d’épines sur lequel la victime pesait de tout son poids. (19) Avant l’invention de la mise en croix, les Romains se servaient du patibulum pour humilier les esclaves condamnés qui marchaient vers le lieu de leur exécution. Cette ancienne pratique est décrite par Dionysios d’Halicarnasse (1er siècle avant JC) :

Un citoyen romain bien connu ayant ordonné la mise à mort de l’un de ses esclaves, le livra aux autres esclaves pour être conduit au loin. Afin que tous soient témoins de sa condamnation, il les enjoignit de le traîner à travers le Forum et dans tous les endroits importants de la ville, tandis qu’ils le battaient de verges, le mettant en tête de la procession que les Romains faisaient à cette époque en l’honneur de leur dieu. Les hommes ordonnèrent de conduire l’esclave vers son lieu d’exécution, ils lui étendirent les deux mains et les lièrent à une pièce de bois qui passait le long de sa poitrine et de ses épaules jusqu’à ses poignets. Tout en le suivant, ils se mirent à déchirer son corps nu avec des fouets. (20)

Il arrivait que le patibulum soit attaché à un chariot et l’esclave humilié était forcé de se comporter comme une bête de somme. Plutarque (46-120 de notre ère) raconte comment la scène se déroulait : « C’était un châtiment sévère pour l’esclave ayant commis une faute que d’être obligé de prendre une pièce de bois qui soutenait le timon d’un chariot et de la porter ainsi aux alentours. » (21)

Le type de crucifixion que subit Jésus et auquel adhère la majorité des Chrétiens vint à l’existence lorsque le supplice phénicien fut combiné avec le châtiment romain consistant à porter le patibulum. Non seulement, l’esclave dévoyé était puni en étant promené dans toute la ville, chargé du patibulum, mais ensuite il mourait en y étant suspendu. Comme nous le verrons plus loin, les écrits de Plaute (254-184 avant JC) prouvent que la crux compacta (poteau avec barre transversale horizontale) existait bien longtemps avant l’époque de Jésus. (22) On se servait encore de la crux simplex (poteau simple), mais principalement lors des exécutions de masse qui accompagnaient les campagnes militaires. (23)

Si la crux compacta apparut au second siècle avant Jésus-Christ, on peut dès lors poser une question pertinente : « A quel moment le mot σταυρος en vint-il à désigner un tel instrument ? » Il est intéressant de noter que la Société n’a jamais clairement abordé ce point. Elle s’est lancée dans de vagues déclarations comme celle-ci : « Plus tard, il en est venu à s’appliquer aussi à un poteau d’exécution muni d’une barre transversale. » (24) « … les significations primitives de ces termes (σταυρος et crux) furent élargis, par la suite, jusqu’à inclure la croix. » (25) De nombreuses publications de la Watchtower citent le lexique de W.E. Vine en mentionnant que ceci se passa « au milieu du 3ème siècle de notre ère » (26) De plus, le Réveillez-vous ! du 22 mars 1987 publia un article de Nicholas Kip qui laisse entendre que le changement de signification prit place aux jours de l’Empereur Constantin (312-337 de notre ère). (27)

Ainsi, la Société prétend (avec ambiguïté) que, jusqu’au début du 3ème siècle, la seule signification du mot σταυρος a été « poteau ». Les faits corroborent-ils cette déclaration ? Absolument pas ! Ainsi, les Témoins semblent ignorer ce qu’écrivit Artemidorus Daldianus, un devin païen fort célèbre au deuxième siècle de notre ère. Vers l’an 160, il composa un ouvrage d’interprétation des rêves, le Oneirocritica. Dans un passage de son livre (2, 53), il fit la remarque suivante :

« Etre crucifié est un signe de bonne augure pour tous les navigateurs. Car le σταυρος, comme un bateau, est fait de bois et de clous, et le mat d’un bateau ressemble à un σταυρος » (28)

Le mat d’un navire consistait en un grand poteau qui s’élevait du pont et qui était muni d’une barre transversale, la vergue. En fait, le mot latin pour « vergue », antenna, désignait couramment le patibulum. (29) Des gravures rupestres datant de cette époque révèlent en effet que le mat d’un navire ressemblait à une croix traditionnelle. (30)

Le satiriste Lucien (117-180 après JC) était d’ailleurs plus explicite. Dans son essai humoristique « Procès à la cour des voyelles », la lettre grecque Tau (qui avait une très mauvaise réputation) fut accusée de meurtre :

Les hommes gémissent, se désolent, et maudissent souvent Cadmus lui-même d'avoir introduit le Tau dans la famille des lettres. Ils disent que c'est à son image, que c'est à l'imitation de sa figure que les tyrans ont fait tailler le bois sur lequel ils les mettent en croix. C'est de lui, en effet, qu'on a donné ce nom sinistre à cette lugubre invention. Or, pour tous ces forfaits, de combien de maux le jugez-vous digne ? Quant à moi, je ne sais qu'un supplice qui puisse égaler ses crimes, c’est qu'il soit attaché à sa propre figure, puisque c'est sur lui que les hommes ont pris modèle pour fabriquer le σταυρος , et que c'est de lui qu'ils l'ont ainsi nommé. (31)

Mais ce n’est pas tout. Peu après avoir rédigé son Procès, Lucien composa le dialogue de Prométhée ou le Caucase. Curieusement, les Témoins estiment que cet écrit conforte leur croyance dans le fait que le mot σταυρος n’aurait d’autres sens que celui de « poteau ». Nous lisons dans la Traduction du Monde Nouveau de 1950 :

Sur un tel poteau ou pieu, la personne condamnée était liée, de la même façon que Prométhée, le héros populaire grec, est représenté lié sur un poteau ou stauros. Le terme grec qu’utilisa le dramaturge Eschyle pour décrire cette situation correspond à lier ou fixer sur un pieu ou sur un poteau, empaler, tandis que pour le même mot, l’auteur grec Lucien se servit du synonyme anastauroo. (32)

La révision de 1984 inclut cette citation de Lucien :

C’était sur un tel poteau ou pieu que la personne condamnée était liée, de la même façon que Prométhée, le héros populaire grec, est représenté lié sur les rochers. Alors que le terme grec qu’utilise le dramaturge Eschyle pour décrire cette situation signifie simplement lier ou attacher, l’auteur grec Lucien (Prometheus, I) se servit du synonyme anastauroo. (33)

Il est vrai que Lucien fit usage de ανασταυροω de la manière décrite par les Témoins : « Mais, si tu veux bien, attachons-le à une hauteur moyenne, ici, au-dessus de ce précipice … ». Cependant, la phrase suivante montre quel genre de σταυρος Lucien avait à l’esprit : « … les mains étendues, l’une sur ce rocher, l’autre sur celui qui est en face. » (34) Plus loin, Hermès s’adresse à Hephaestos et à Prométhée : « Est-ce que le Caucase ne vous semble pas assez grand pour qu’on y enchaîne encore deux malheureux ? Voyons, étends la main droite. Toi, Hephaestos, attache, cloue et frappe vigoureusement de ton marteau. Maintenant, donne l’autre main, afin qu’on l’attache aussi solidement. » (35) Au lieu de prouver la doctrine du « poteau de supplice », le Prométhée de Lucien démontre que σταυρος signifiait bien plus que « poteau » dans la langue grecque du deuxième siècle. La Watchtower est soit malhonnête, soit incroyablement aveugle en citant Lucien pour soutenir ses théories.

Des sources plus anciennes sont moins explicites quant à la forme du σταυρος. J’ai seulement trouvé deux auteurs du premier siècle qui font allusion à une croix. Tout comme Lucien décrivit Prométhée crucifié avec les bras étendus, Epictète (un philosophe du 1er siècle) parle de ceux qui se font masser comme « étendus tels des hommes qui ont été crucifiés. » (36) D’après Josèphe (37-95 après JC), les soldats romains qui avaient envahi la ville de Jérusalem crucifièrent les Juifs en les mettant dans « différentes positions. » (37) Comme une seule position n’était possible qu’avec la crux simplex, d’autres croix plus élaborées furent très probablement utilisées. De plus, de nombreux écrivains grecs contemporains de l’époque (y compris les évangélistes) ont décrit la punition qui consistait à porter le patibulum avant de subir la crucifixion. (38)

L’argument linguistique avancé par la Société est battu en brèche par un fait simple – à savoir que σταυρος était le seul vocable que possédaient les Grecs pour désigner la crucifixion romaine. Si, au premier siècle, σταυρος ne décrit pas une croix à traverse, on peut se demander quel autre mot le faisait. Les Grecs auraient dû avoir un mot correspondant à un instrument d’exécution fort répandu dans le monde romain. Cependant, ils n’en avaient d’autres que σταυρος.

L’histoire sémantique de σταυρος est donc beaucoup plus complexe que celle proposée par la Société. Des preuves documentaires démontrent que ce mot désignait une croix à barre transversale avant l’époque de Constantin et en toute vraisemblance au temps de Jésus et des apôtres. (39) Il est certain que la Société n’a guère été plus de l’avant dans ses recherches et qu’elle s’est limitée aux lexiques qu’elle possède.


Ξυλον est un terme qu’utilisèrent les apôtres Pierre et Paul pour se référer au σταυρος sur lequel Jésus mourut (Actes 5:30; 10:39; 13:29; Galates 3:13; 1 Pierre 2:24). La Société dit que la signification de base de ce mot étant « pièce de bois » ou « arbre », Jésus a dû mourir sur un simple poteau. Nulle part ailleurs, ce point de vue n’est aussi confusément exprimé que dans un article publié dans le Réveillez-vous ! du 22 juillet 1963. Le rédacteur anonyme déclare :

Le fait que les apôtres Pierre et Paul disent que Jésus fut pendu à un xylon, qui signifie simplement un morceau de bois, indique également qu’il s’agissait d’un poteau … Si Jésus avait été pendu à une croix formée de deux pièces de bois, aurait-on décrit celle-ci comme un simple morceau de bois ? (40)

Encore une fois, la Société restreint artificiellement la signification d’un mot. L’auteur part du principe que ξυλον veut dire « pièce de bois », sans plus, et par conséquent ne peut être appliqué à une croix avec traverse. Ce qui aboutit donc à cette conclusion logique :

Les évangélistes emploient souvent le terme xylon pour désigner les bâtons dont s’était armée la foule qui vint pour prendre Jésus. Il est certain que la foule qui vint pour prendre Jésus n’était pas armée de croix mais de morceaux de bois, de bâtons, en grec xylon(41)

Cette façon de raisonner suppose encore une fois que ξυλον n’avait qu’une seule signification. Si ξυλον s’était rapporté à une « croix », instrument d’exécution de Jésus, alors les ξυλονs brandis par la foule auraient dû être des croix. Comme ce n’est pas le cas, ξυλον ne veut pas dire « croix » ! On trouve un autre exemple de mauvaise logique dans le même article :

Le terme xylon signifie généralement un morceau de bois qui ne vit plus mais il est employé quelquefois dans les Ecritures pour désigner les arbres vivants dans un sens figuré … La langue grecque possède un autre mot distinct pour « arbre » à savoir dendron dont dérive le vocable français « dendrologie ». Le terme dendron figure environ vingt-cinq fois dans les Ecritures grecques chrétiennes … Toutefois, le mot dendron, signifiant un arbre vivant, n’est jamais employé dans les Ecritures pour désigner l’instrument de supplice de Jésus. (42)

Cette référence à δενδρον n’est que de la poudre aux yeux. Jamais personne n’a prétendu que ce terme voulait dire « croix » ou « poteau ». Cette digression sur le mot δενδρον (dendron) n’ajoute rien à la compréhension de ξυλον, mais elle confère une touche savante à l’article.

Il est intéressant de noter que les extraits cités ci-dessus démontrent que la Société est très consciente du fait que ξυλον désigne bien plus qu’une « pièce de bois » - son contenu sémantique incluant également le sens de « bâton » ou d’ « arbre ». De surcroît, l’appendice de la New World Translation de 1950 déclare (sans ajouter la moindre preuve) qu’un « sens spécial » de ξυλον est « un poteau droit sans barre transversale ». (43) Malgré tout, le même article de 1963 énonce dans son paragraphe de conclusion que ξυλον signifie tout simplement une pièce de bois et qu’il ne donne aucune place à une double interprétation. (44) De telles déclarations contradictoires démontrent à l’évidence que la Société n’a aucune vision claire du sujet.

Ξυλον pouvait avoir beaucoup de significations spécifiques. En grec classique, on l’utilisait pour « bûches » ou « bois de construction » (45), « arbres » (46), « bancs » (47), « marchés du bois » (48), et même pour une mesure de longueur (49) Mais ce n’est pas tout. Par la suite, ce mot « prit le sens de quelque chose de disgracieux ou de honteux. » (50) Il en vint à désigner une large panoplie d’instruments de punition, comprenant le « pilori » (51), les « ceps » (52), ou la combinaison des deux (53), des « bâtons » (54)... Sans aucun doute, le mot se référait à bien plus qu’à une simple « pièce de bois » !

Dans le Nouveau Testament, le volet sémantique de ξυλον est peu différent du grec classique. On l’emploie pour désigner du « bois (de construction) » (1 Cor. 3 : 12), des « arbres » (Apocalypse 22 : 19), des « ceps » (Actes 16 : 24), et des « bâtons » (Matthieu 26 : 47). Mais les écrivains du Nouveau Testament s’en servirent aussi pour parler de l’instrument de crucifixions romaines. (55) Apparemment, c’est pour deux raisons.

Avant la République, il arrivait que les Romains punissent les esclaves qui désobéissaient en les liant à des arbres stériles, les fouettant jusqu’à ce que mort s’ensuive. (58) Il arrivait que les victimes soient contraintes de porter le patibulum avant d’être pendues. On appelait cette forme de punition arbor infelix ou infelix lignum, et plusieurs écrivains latins la confondirent plus tard avec la crucifixion. (56) Ainsi, la croix à traverse en vint à être connue sous le nom de arbor ou lignum (les deux mots latins voulant dire « arbre »). (57) Cet usage incita sans doute les rédacteurs du Nouveau Testament à utiliser ξυλον en lieu et place de σταυρος.

Toutefois, il existe une explication plus probable. A l’heure actuelle, nombre d’érudits pensent que l’emploi caractéristique de ξυλον dans le Nouveau Testament (et dans plusieurs écrits juifs) découle de l’interprétation traditionnelle judaïque du texte du Deutéronome, chapitre 21, versets 22 et 23. Ce passage se lit comme suit dans la Bible de Jérusalem :

Si un homme, coupable d’un crime capital, a été mis à mort et que tu l’aies pendu à un arbre, son cadavre ne pourra être laissé la nuit sur l’arbre ; tu l’enterreras le jour même, car un pendu est une malédiction de Dieu, et tu ne rendras pas impur le sol que Yahvé ton Dieu te donne en héritage.

Il est bien évident que ce texte biblique ne se réfère pas à la crucifixion. Mais beaucoup d’écrivains juifs le mirent en rapport avec cette forme d’exécution introduite en Judée par les Romains. Il est aussi significatif de noter que les Manuscrits de la Mer Morte mentionnent à deux reprises Deutéronome 21:22, 23 en rapport avec la crucifixion. Dans le même registre, Paul applique ces versets (repris de la Septante) à la crucifixion de Jésus.

Christ a payé pour nous libérer de la malédiction de la loi, en devenant lui-même malédiction pour nous, puisqu’il est écrit : Maudit quiconque est pendu au bois. Cela pour que la bénédiction d’Abraham parvienne aux païens en Jésus-Christ et qu’ainsi, nous recevions, par la foi, l’Esprit, objet de la promesse (Galates 3:13-14 ; TOB).

Le professeur Max Wilcox estime que l’influence du Deutéronome peut se vérifier chaque fois que Pierre et Paul font usage du mot ξυλον pour désigner l’instrument d’exécution de Jésus. Il se peut d’ailleurs que le discours de Paul en Actes 13:28-30 soit un midrash de Deutéronome 21:22-23. (59) De plus, les Juifs demandèrent à Pilate d’enlever les corps de Jésus et des malfaiteurs du σταυρος le jour où ils furent crucifiés, le lendemain étant un Sabbat (Jean 19:31). Tout ceci indique que la perception qu’avaient les Juifs de la crucifixion gravitait autour de Deutéronome 21:22-23.

Dans chacun des cas, beaucoup de Juifs et de Chrétiens s’exprimant en grec en vinrent à accepter le terme ξυλον comme synonyme de σταυρος. Josèphe utilisa l’un ou l’autre des deux mots. (60) Philon d’Alexandrie (15 av. JC - 45 après JC) compara l’ « esprit dépouillé des créations de l’art » à un corps sans tête, « avec le cou sectionné et cloué tel un crucifié sur l’arbre (ξυλω) de l’indiscipline, réduite à l’impuissance et dans la misère. » (61) L’auteur de l’épître de Barnabé (fin du premier siècle - début du deuxième siècle après JC) décrit la croix à traverse σταυρος comme un ξυλον (Barnabé 8:5, 12:1, 7). Lorsque nous considérons le large éventail d’application du mot ξυλον, il est clair qu’il ne signifie pas uniquement « une pièce de bois ». Il correspond souvent à la définition de σταυρος, c’est-à-dire l’instrument romain de crucifixion, composé d’une ou de deux traverses.


Les Témoins reconnaissent que ce mot est l’équivalent de σταυρος , mais prétendent toutefois que « poteau » en est la seule définition correcte. L’extrait suivant de la Tour de Garde du 15 août 1987 va jusqu’à déclarer que « beaucoup » de Chrétiens et d’érudits ont été trompés par la similitude entre le mot latin crux et le mot français « croix » :

Certes, les Romains se servaient d’un instrument d’exécution appelé crux en latin. Et ce mot crux a été utilisé dans les traductions de la Bible en latin pour rendre le terme grec stauros. Comme le mot latin crux et le mot français croix se ressemblent, beaucoup pensent à tort qu’une crux était nécessairement un poteau muni d’une barre transversale. (62)

Notons avec intérêt que l’article poursuit en disant que crux était nécessairement un poteau sans barre transversale. Fausse hypothèse ?

Tout dépend du moment où le mot crux en vint à désigner une croix avec traverse. Si le changement de signification se produisit avant la composition du Nouveau Testament ou au plus tard avant sa traduction en latin, ce que dit la Société est plutôt sujet à caution. A quel moment la Société pense-t-elle que la signification de crux se modifia en « croix » ? Bien qu’elle n’ait jamais publié (comme pour le mot σταυρος) le moindre commentaire sur le sujet, elle mentionna par deux fois que le changement sémantique eut lieu après le premier siècle de notre ère. Le livre « Toute Ecriture est inspirée et utile », publié en 1963, fait référence à Tacite (environ 56 - 120 après JC) qui écrivit que les Chrétiens de Rome furent attachés à des croix [enduits de matière inflammable] durant la persécution qui sévit en l’an 64. (63) Vingt-cinq ans plus tard, la Société reprenait le même passage dans son livre « La Révélation, le grand dénouement est proche ». Mais cette fois, elle substituait le mot « croix » par « [poteaux] » et renvoyait le lecteur à l’appendice des « Saintes Ecritures – Traduction du Monde Nouveau », édition en gros caractères (1984). (64) Apparemment, selon la Société, crux était synonyme de « poteau » lorsque Tacite composa ses Annales au deuxième siècle de notre ère.

Les exégètes de la Watchtower prétendent aussi à tort que crux ne signifiait que « poteau » aux jours de l’historien romain Tite-Live (59 av. JC - 17apr. JC). Ainsi, nous lisons dans l’appendice de la Traduction du Monde Nouveau (1950) :

Le fait que stauros est traduit par crux dans les versions latines ne contredit pas [la doctrine du « poteau de supplice »] … C’est plus tardivement que le mot crux signifiera croix. Même dans les écrits de Tite-Live, un historien romain du 1er siècle avant notre ère, crux se réfère à un simple poteau. (65)

On pouvait lire une remarque similaire dans le Réveillez-vous ! du 22 septembre 1984 : « Le mot latin utilisé pour l’instrument sur lequel Christ mourut est crux qui selon Tite-Live, un célèbre historien romain du premier siècle de notre ère, décrit un simple poteau. » (66) La Traduction du Monde Nouveau (édition de 1987) fit état du même argument : « Dans les écrits de Tite-Live, historien romain du 1er siècle de notre ère, crux désigne une simple poteau. Ce terme n’a pris le sens de ‘croix’ que plus tard. » (67)

De telles affirmations s’effondrent lorsqu’on les passe minutieusement au crible. Tout d’abord, la Société ne prouve nullement ce qu’elle avance en citant les écrits de Tite-Live. Il ressort d’un examen approfondi de ceux-ci, que l’historien n’a jamais utilisé le mot crux dans le sens proposé par la Société. Suivant la Concordance de Tite-Live (Packard), crux apparaît six fois dans les écrits de l’auteur, sous des formes variées. (68) Les voici dans leur contexte : (69)

(1) « Le guide battu de verges, et, pour effrayer les autres, mis en croix [crucem sublato], Hannibal, ayant fortifié un camp, envoya Maharbal avec la cavalerie. » (22, 13, 9)
(2) « Vingt-cinq esclaves furent mis en croix [crucem acti], parce que, disait-on, ils avaient formé un complot au Champ de Mars. » (22, 33, 2)
(3) « Il … ordonna qu’ils [les hauts fonctionnaires] soient battus de verges et crucifiés [cruci adfigi]. Ensuite, il se rendit avec ses navires vers l’île de Pityusa. » (28, 37, 3)
(4) « Les déserteurs furent sévèrement traités … les citoyens latins furent décapités, les citoyens romains crucifiés [crucem sublati]. » (30, 43, 13)
(5) « Il battit de verges et crucifia [crucibus adfixit] certains qui avaient été les instigateurs de la révolte. Il en renvoya d’autres chez leurs maîtres. » (33, 36, 3)
(6) « En ceci, pour ma part, je devais me fier à ma cause, même si je plaidais, non pas devant les Romains, mais devant le sénat carthaginois, où on rapporte que les commandants qui, suite à une mauvaise tactique, n’ont pas conduit une campagne avec succès, sont crucifiés [crucem tolli]. » (38, 48, 13)

La Société se rend à nouveau coupable de dénaturer les faits. Tite-Live n’utilisa jamais le mot crux pour désigner exclusivement la simple mise au poteau. Aucun des six extraits ne donne d’information quant à la nature et à l’aspect de la crux. A noter que lorsque Tite-Live mentionna la crux simplex, il se servit du mot palus : « Liés à un poteau [deligati ad palum], ils furent battus de verges et décapités. » (70) A moins que les exégètes de la Watchtower ne publient une citation qui déterminerait la source de leurs preuves, nous devons rejeter leurs prétentions, car elles sont fausses.

Douteuse aussi est la théorie avancée quant à la modification tardive du sens du mot crux. A l’évidence, sous tous les aspects, la Société a fermé les yeux devant l’amoncellement de preuves qui désapprouvent ses déclarations. Les citations qui suivent viennent de Plaute, Sénèque et Tacite. Ils écrivirent soit avant, soit à la même époque que les apôtres. Elles montrent clairement que (1) la crux incluait un patibulum ou furcas (deux synonymes de « traverse »), (2) le patibulum était cloué sur le stipes (le poteau droit), (3) les victimes portaient le patibulum avant leur crucifixion et (4) les victimes « étendaient leurs bras » sur la crux.

Plaute (254 – 184 avant JC)

(1) Frateor, manus vobis do. Et post dabis sub furcis. Abi intro—in crucem. (Je l’admets, je lève mes mains ! Et plus tard, tu les maintiendras sur une furca. Allons vers la crucifixion !) (71)
(2) Credo ego istoc extemplo tibi esse eundum actutum extra portam, dispessis manibus, patibulum quom habebis. (Je soupçonne que tu es maudit pour mourir hors des portes, dans cette position : les mains étendues et clouées sur le patibulum). (72)
(3) O carnuficium cribum, quod credo fore, ita te forabunt patibulatum per vias stimulis carnufices … (Oh, je parie que les bourreaux te regarderont comme un crible humain, t’infligeant une multitude de trous lorsqu’ils te traîneront dans les rues, tes bras sur le patibulum …) (73)
(4) Ego dabo ei talentum, primus qui in crucem excucurrerit ; sed ea lege, ut offigantur bis pedes, bis brachia. (Je donnerai deux cents livres au premier homme pour soulever ma crux et la prendre – à condition que ses jambes et ses bras soient doublement cloués). (74)
(5) Patibulum ferat per urbum, deinde adfigatur cruci. (Je porterai le patibulum à travers la ville ; je serai par la suite cloué sur la crux). (75)

Sénèque (env. 4 avant JC – 65 après JC)

(6) Cum refigere se crucibus conentur, in quas unusquisque vestrum clavos suos ipse adigit, ad supplicium tamen acti stipitibus singulis pendent ; hi, qui in se ipsi animum advertunt, quot cupiditatibus tot crucibus distrahuntur. At maledici et in alienam contumeliam venusti sunt. Crederem illis hoc vacare, nisi quidam ex patibulo suo spectatores conspuerent ! (Bien qu’ils luttent pour se libérer eux-mêmes de leurs croix – ces croix sur lesquelles chacun de vous se cloue de ses propres mains – lorsque conduits au supplice, chacun pend toutefois sur un simple stipes ; quant aux autres qui amènent sur eux leur propre condamnation, ils sont étendus sur autant de croix qu’ils l’ont désiré. Et encore, ils sont calomnieux et se moquent des autres en les accablant d’injures. Je pourrais croire qu’ils furent libres d’agir ainsi, certains d’entre eux ne crachèrent-ils pas sur les spectateurs depuis leur propre patibulum !) (76)
(7) … allium in cruce membra distendere (… un autre à mourir les bras étendus sur une crux). (77)
(8) Video istic cruces non unius quidem generis sed aliter ab aliis fabricatas : capite quidam conversos in terram suspendere, alii per obscena stipitem egerunt, alii brachia patibulo explicuerunt. (Je vois chez les tyrans des croix de plus d’une espèce, variées selon leur fantaisie : l’un suspend ses victimes la tête en bas, l’autre traverse leurs parties intimes, d’autres étendent leurs bras à un patibulum). (78)
(9) Contempissimum putarem, si vivere vellet usque ad crucem … Est tanti vulnus suum premere et patibulo pendere districtum … Invenitur, qui velit adactus ad illud infelix lignum, iam debilis, iam pravus et in foedum scapularum ac pectoris tuber elisus, cui multae moriendi causae etiam citra crucem fuerant, trahere animam tot tormenta tracturam ? (Je devrais le juger plus méprisable, eut-il désiré vivre jusqu’au moment de la crucifixion … Cela vaut-il la peine de s’écraser sur ses propres blessures et d’être pendu empalé sur un patibulum ? … Trouverait-on un homme volontaire pour être attaché à un arbre maudit, souffrant longtemps, déjà déformé, gonflé de vilaines tumeurs sur la poitrine et sur les épaules, arrachant le souffle de vie au milieu d’une très longue agonie ? Je pense qu’il aurait de nombreux prétextes pour mourir, même avant de monter sur la crux !) (79)
(10) Cogita hoc loco carcerem et cruces et eculeos et uncum et adactum per medium hominem, qui per os emergeret, stipitem. (Imaginez-vous la prison, la crux, le chevalet de torture, le crochet, et le pieu qu’ils enfoncent droit à travers un homme jusqu’à ce qu’il sorte par la gorge). (80)
(11) …sive extendendae per patibulum manus … (… ou ses mains qui doivent être étendues sur un patibulum...) (81)

Tacite (env. 56 apr. JC – env. 120 apr. JC)

(12) Solacio fuit servus Verginii Capitonis, quem proditorem Tarracinensium diximus, patibulo adfixus in isdem anulis quos acceptos a Vitellio gestabat. (Terracine eut une seule consolation : ce fut de voir cette esclave de Virginius Capito qui l’avait trahie, attachée en croix [patibulo adfixus], ayant au doigt l’anneau dont Vitellius avait payé son crime). (82)
(13) Rapti qui tributo aderant milites et patibulo adfixi. (Saisissant les soldats qui levaient le tribut, ils les fixèrent sur le patibulum). (83)
(14)… sed caedes patibula ignes cruces, tamquam reddituri … (Il fut prompt avec le massacre et le patibulum, avec l’incendie et la crux). (84)

A la lumière de ces extraits, il est tout simplement absurde d’affirmer que crux désignait uniquement « poteau » au premier et au deuxième siècle de notre ère, à l’époque où Tite-Live et Tacite étaient célèbres. Le témoignage de Sénèque est le plus important, car il fut contemporain de Jésus et des apôtres. Il fut également tuteur et conseiller personnel de l’empereur Néron. En cette qualité, tout ce qui concernait les directives gouvernementales lui était très familier. (85) Quant à Tacite et à son témoignage, il est démontré tout au long de ses écrits qu’il est faux d’affirmer que « croix » soit une traduction erronée de crux.

Il y a par conséquent un manque fragrant de preuves ; la signification de crux ne peut pas être restreinte à « poteau », comme le prétend la Watchtower. Notons toutefois que, dans le Réveillez-vous ! du 8 mars 1977, elle commit la maladresse d’admettre que crux et σταυρος pouvaient se rapporter à une croix munie d’une barre transversale. Nous y lisons :

Il est vrai qu’en certains endroits ces mots désignent des objets en forme de croix, et dans tous ces cas le contexte décrit une croix. Mais au départ, ni le stauros grec ni la crux latine n’avaient ce sens. (86)

Quelle étrange affirmation ! Elle reconnaît non seulement que ces mots peuvent désigner des croix ainsi que des objets cruciformes, mais elle révèle qu’il est inexact d’adhérer à tout prix à « ce sens », c’est-à-dire à la « signification de base ».

Nous pouvons donc conclure, sans hésiter, qu’au premier siècle, σταυρος, ξυλον et crux se rapportaient à des croix avec traverses. La base linguistique sur laquelle repose la doctrine du « poteau de torture » est une pure contrefaçon.

Cependant, cela ne veut pas dire que Jésus mourut sur la croix. Pour le moment, nous pouvons seulement affirmer que rien ne contredit cette manière de voir. Les preuves sémantiques à elles seules ne permettent pas de déterminer si l’instrument d’exécution de Jésus était composé d’une ou de deux poutres de bois. Il faut donc à présent nous pencher sur les éléments bibliques et patristiques pour déterminer celui qui fut utilisé.


La discussion précédente avait trait aux preuves indirectes de la crucifixion de Jésus. Le présent exposé nous conduit à des preuves directes. Les détails mentionnés dans les récits évangéliques de la Passion et de la Résurrection suggèrent que c’est bien la crux compacta (croix à traverse) qui fut utilisée dans le cas de Jésus de Nazareth.

(a) Jean 19:17

Nous lisons ce texte dans la Traduction OEcuménique de la Bible (TOB) :

« Portant lui-même sa croix (σταυρος), Jésus sortit et gagna le lieu dit du crâne, qu’en hébreu on nomme Golgotha. »

La plupart des Témoins semblent n’avoir jamais fait attention à la signification de ce verset ainsi qu’à d’autres références du Nouveau Testament quant au fait de porter le σταυρος. Comme nous l’avons expliqué, les Romains faisaient porter le patibulum aux esclaves et aux criminels, et ce avant leur crucifixion. De même, les Grecs mentionnèrent cette pratique, utilisant régulièrement le mot σταυρος pour désigner le patibulum. Ainsi, Plutarque déclare dans son Moralia : « Chaque criminel qui se dirige vers l’exécution doit porter son propre σταυρος sur le dos. » (87) Après avoir décrit le σταυρος comme un instrument muni d’une barre transversale, Artemidorus fit remarquer ceci : « Car le σταυρος est comparable à la mort et l’homme qui doit y être cloué le porte tout d’abord. » (88) Enfin Chariton (milieu du deuxième siècle de notre ère) écrivit : « Ainsi, ils furent emmenés, enchaînés ensemble aux pieds et au cou, et chacun porta son propre σταυρος. » (89) Indubitablement, ces textes se réfèrent à la même pratique décrite dans les citations reprises sous (1), (3) et (5) de la section qui précède.

La Société sous-estime réellement l’impact de ce texte biblique dans la problématique de la croix. La Watchtower en fait d’ailleurs rarement mention dans sa littérature. La doctrine du poteau de supplice la contraint à enseigner que Jésus porta une seule poutre jusqu’au Golgotha. (90)

Jésus escorté au Golgotha
Voir note 90

Nul besoin d’ajouter que cette théorie n’est confortée par aucun appui extérieur et indépendant. Aucun écrivain de l’antiquité, classique ou ecclésiastique, n’a déclaré que le condamné portait un stipes sans barre transversale. L’éventualité que Jésus ait eu à porter un patibulum est éliminée d’office par la doctrine du poteau de supplice. Une des seules déclarations se trouve dans le livre « Auxiliaire pour une meilleure intelligence de la Bible » :

« La tradition, et non les Ecritures, dit aussi que le condamné ne portait pas les deux pièces de la croix, mais uniquement la barre transversale appelée patibulum ou antenna. Comme il aurait été impossible à un homme de traîner ou de porter deux pièces de bois aussi lourdes sur quelques 500 mètres, distance séparant la forteresse Antonia du Golgotha, certains éludent le problème de cette manière. » (91)

Cette citation dénature complètement les faits. La tradition religieuse n’a rien à voir avec ce que nous savons au sujet de la punition rattachée au port du patibulum. Notre connaissance découle en premier lieu des écrits classiques païens. En identifiant la source comme « tradition » (d’habitude considérée comme source des fausses doctrines de la Chrétienté), (92) la Watchtower jette un doute considérable sur sa véracité. De plus, les artistes chrétiens ont traditionnellement représenté Jésus portant l’entièreté de la croix – d’habitude sur l’épaule (au creux de l’angle formé par les deux bois). (93) A la lumière des preuves fournies par Plaute et Dyonisios d’Halicarnasse, il est contraire au bon sens d’affirmer que Jésus portait uniquement le patibulum parce que le poteau était trop lourd. Le « port de la croix » n’ayant jamais été représenté par les écrivains classiques par le « port d’une simple poutre » (stipes), nous pouvons conclure que le σταυρος de Jésus possédait une barre transversale.

(b) Mathieu 27:37

Il est largement accepté que ce passage biblique suggère une croix avec traverse. Les trois autres évangiles mentionnent le titilus (pièce de bois clouée sur le σταυρος indiquant le crime qu’avait commis la victime), mais ne disent pas avec précision où il était placé sur le σταυρος. Jean 19:19 fait remarquer que le titilus était cloué « sur le σταυρος ». Luc 23:38 dit qu’il était « au-dessus de lui (Jésus) ». Marc ne mentionne même pas qu’il était placé sur le σταυρος. Mais Mathieu précise ceci (voir les mots en italique) :

« Au-dessus de sa tête, ils avaient placé le motif de sa condamnation, ainsi libellé : ‘ CELUI-CI EST JESUS, LE ROI DES JUIFS ‘ »

Si Jésus avait été cloué sur une crux simplex, le titilus aurait été placé audessus de ses mains. J.H. Bernard fait observer que cette déclaration reprise en Mathieu « suggère que la croix était une forme appelée crux immissa, avec une barre de traverse pour les bras, comme les peintres l’ont généralement représentée. » (94) De même, le livre L’exécution de Jésus donne le commentaire suivant : « Il n’y a pas de preuve absolue quant à la forme de la croix de Jésus, mais ce fut sans doute un poteau vertical muni d’une barre transversale. Ceci est indiqué par le placement du titilus au-dessus de la tête de Jésus, bien évidemment sur la croix. » (95) La International Standard Bible Encyclopedia fait la même observation : « La forme vue le plus souvent sur les images, la crux immissa (croix latine), est celle dans laquelle le poteau vertical dépasse audessus de la pièce la plus courte. Suite à la mention d’une inscription clouée au-dessus de la tête de Jésus, on peut à coup sûr en déduire que c’était la forme de croix sur laquelle Il mourut. » (96)

(c) Jean 20:25

Un autre texte significatif, c’est la fameuse intervention de Thomas devant les apôtres, après la Résurrection de Jésus :

« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n’enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n’enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ! » (TOB).

Le pluriel « clous » indique que deux clous ont été utilisés, alors qu’un seul clou aurait été nécessaire si Jésus était mort sur un simple poteau. Les illustrations de la Watchtower nous montrent un seul clou perçant ses mains. (97) Que pense la Société de ce passage biblique ? Comme prévu, elle l’écarte comme un « détail insignifiant ». (98) Il est intéressant de voir comment ceci est traité dans un article de la Tour de Garde de 1984, « Questions de lecteurs » :

Quelques-uns ont déduit de ce passage que deux clous ont été employés à cette fin, et qu’on lui en a planté un dans chaque main. Toutefois, en parlant des clous au pluriel, Thomas faisait-il une description précise du supplice du Christ ? Voulait-il nécessairement dire qu’on lui avait cloué séparément les deux mains ?
En Luc 24:39, Jésus ressuscité déclare : « Voyez mes mains et mes pieds, c’est moi en personne. » Cela donne à penser que ses pieds avaient également été percés de clous. Puisque Thomas n’a pas mentionné les marques des pieds, il a peut-être utilisé le pluriel d’une manière générale, en pensant à tous les clous dont on s’était servi pour mettre Jésus au poteau.
Par conséquent, dans l’état actuel de nos connaissances, on ne peut définir avec certitude le nombre des clous qui ont été employés dans le supplice de Jésus. (99)

En d’autres mots, le pluriel « clous » se référerait aux marques dans les mains et dans les pieds de Jésus. Si ce point de vue ne manque pas tout à fait de pertinence, on peut toutefois soulever plusieurs objections. Tout d’abord, il n’y a rien dans le contexte de Jean 20:25 qui corrobore l’interprétation de la Société. Ce passage biblique ne mentionne pas les pieds, ils n’y sont même pas impliqués. Thomas parle seulement des clous ayant percé les mains. Jean 20:20 dit également que Jésus montra aux disciples « ses mains et son côté », mais pas ses pieds. (100) Notons enfin que Luc 24:39 ne dit rien au sujet des clous. Donc, a priori, il n’y a aucune raison de déduire du contexte de Jean 20:25 une référence quelconque au(x) clou(s) utilisé(s) pour percer les pieds. (101)

Le plus ancien récit non canonique de la Crucifixion, celui du Pseudo-Pierre (début du deuxième siècle de notre ère), précise aussi que plus d’un clou fut utilisé pour percer les mains : « Et alors les Juifs arrachèrent les clous des mains du Seigneur et le couchèrent sur la terre. » (102) Plus tard, des auteurs ecclésiastiques mentionnèrent « les marques des clous », mais ne spécifièrent pas si elles furent trouvées sur les pieds. (103)

(d) Jean 21:18,19

Dans l’antiquité, l’expression « étendre les mains » était souvent rattachée à la Crucifixion. En ce qui concerne ce supplice romain, nous avons vu qu’elle fut utilisée par des auteurs grecs, tels Lucien et Epictète, (104) et par des auteurs latins comme Plaute et Sénèque (dispessis manibus). (105) Suivant le quatrième évangile, il est possible que Jésus l’ait aussi employée dans cette circonstance :

« En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu nouais ta ceinture et tu allais où tu voulais ; lorsque tu seras devenu vieux, tu étendras les mains (εκτενεις τας χειρας), et c’est un autre qui nouera ta ceinture et qui te conduira là où tu ne voudrais pas ». Jésus parla ainsi pour indiquer de quelle mort Pierre devait glorifier Dieu ; et sur cette parole il ajouta : « Suis-moi. »

Ces versets sont sujets à trois interprétations. Certains pensent que le verset 19 a été ajouté au texte du 4ème évangile par un rédacteur anonyme. Dans son contexte original, la citation « prédit simplement dans un langage figuré la faiblesse de la vieillesse », mais le rédacteur « dans la rayonnante tradition du martyre de Pierre » dénatura les mots pour les adapter à la crucifixion. (106) Il y a peu de preuves textuelles pour soutenir ce point de vue, cependant si le texte inséré s’avérait authentique, cela indiquerait tout au moins que l’expression « étendre les mains » faisait référence à la crucifixion parmi les premiers Chrétiens. (107)

Une seconde interprétation avancée par ceux qui tiennent ce texte comme original : cette phrase n’est qu’une allusion à la crucifixion de Pierre, sans plus. Cette proposition est inadéquate. Bernard fait remarquer que le mot grec signifiant « nouer », « ceindre » (ζωνυμι) repris au verset 18 était généralement utilisé dans la Septante et dans les écrits grecs classiques dans le sens de revêtir des vêtements ou des armes, mais jamais dans celui « de lier un criminel, ce que devrait découler de la signification de αλλος ζωσει dans l’hypothèse où Jésus prédit le martyre de Pierre. » (108) Ce verset présente une difficulté supplémentaire suite à l’emploi de εκτενεις au lieu de εκτασις. Alors que ce dernier terme indique « une extension vers le côté », le premier se rapporte à une « extension des bras vers l’avant », comme en Luc 5 :13 : « Jésus étendit la main et le toucha. » La présence de ζωνυμι et de εκτενεις en Jean 21 :18 évoque l’image d’un vieillard faible qui a besoin de l’assistance d’un serviteur pour l’habiller alors qu’il étend ses mains vers l’avant. (109)

La preuve la plus convaincante qui indique que ce texte se réfère à autre chose que la crucifixion se rattache à l’ordre des évènements. D.W. O’Connor écrit : « S’il s’agissait de la crucifixion, ne nous serions-nous pas attendus à ce que ‘nouera’ soit mentionné d’abord, ‘conduira’ ensuite, et ‘étendras les mains’ en dernier lieu ? » (110)

Une troisième interprétation combine les meilleurs éléments des deux premières. Comme le suggère Bultmann et d’autres érudits, « le texte de Jean 21:18 peut rappeler un ancien proverbe : ‘Un jeune homme va librement là où il veut, mais lorsqu’il devient vieux, il doit permettre qu’on le conduise là où il ne veut pas.’ » (111) Ce proverbe fut adapté par Jésus ou par Jean pour faire référence à la crucifixion de Pierre, comme Lindars l’explique : « Il l’a mis à la seconde personne et a modifié les temps des verbes de l’éternel présent au passé et au futur. Il l’a aussi élargi avec des détails symboliques … Le langage est soigneusement choisi pour préserver l’image de la faiblesse de l’homme âgé. (112) Ceci explique pourquoi ζωνυμι et εκτενεις furent choisis en lieu et place de termes sémantiquement appropriés et pourquoi la séquence des évènements semble mélangée. D’autre part, Lindars avance une ingénieuse explication de cette séquence : « Il se peut qu’elle soit (a) étendre les bras sur la traverse de la croix, (b) avoir les bras liés sur celle-ci avec des cordes et (c) être hissé sur le poteau ; » (113)

Un point de vue légèrement différent crée deux paliers dans la signification de la prophétie et nous vient de G.H.C. MacGregor : « Le langage suggère la faiblesse d’un vieillard qui doit être guidé par quelqu’un d’autre auquel dépend toute sa vie et cela sans tenir compte de ses propres désirs. Mais dans les mots ‘ tu étendras tes mains ’, il y a référence plus profonde à l’extension des bras de la victime lorsque le bourreau l’attache à la croix. » (114)

Comme le 4ème évangile fut achevé vers la fin du 1er siècle (115), son auteur doit avoir connu le sort réel de l’apôtre Pierre. Des sources contemporaines de l’évangile, comme 1 Clément (98 de notre ère) et l’Ascension d’Isaïe (fin du 1er siècle de notre ère), relatent que Pierre fut martyrisé au cours de la persécution de Néron, en 64. (116) Tacite explique comment de nombreux Chrétiens furent exécutés à cette époque. « Ils furent attachés à des croix [crucibus adfixi] , et au crépuscule, ils furent brûlés pour servir d’éclairage pendant la nuit. » (117). Pierre était-il sur une de ces croix ? Les écrivains chrétiens, dès la fin du 2ème siècle, déclarèrent à l’unanimité que Pierre fut crucifié à Rome, « comme son Maître ». (118). Si cette tradition est exacte, Jean doit avoir fait allusion à la crucifixion dans le verset 19.

Comment les Témoins de Jéhovah voient-ils Jean 21:18,19 ? Leur seule référence au texte se trouve dans la rubrique « Questions de Lecteurs », parue dans la Tour de Garde du 15 août 1972. Ils y présentent l’argumentation suivante :

Eusèbe, historien religieux du début de notre ère, rapporte que Pierre « fut crucifié la tête en bas, parce qu’il avait demandé à souffrir de cette façon. » Cependant, la prophétie de Jésus concernant la mort de Pierre n’était pas aussi précise. C’est ce que reconnaît un Commentaire catholique de l’Ecriture Sainte (anglais) en ces termes : « Puisqu’il est question d’étendre les mains avant d’être ceint et d’être conduit, il est difficile de discerner comment cela doit être compris. Si l’ordre des paroles fait partie de la prophétie, nous devons supposer que le prisonnier fut attaché au patibulum avant d’être ceint et emmené pour être exécuté. »
Ainsi, si ce n’est la tradition rapportée par Eusèbe, la déclaration de Jésus n’indique pas une mort par crucifiement ou au poteau. Si l’on considère les paroles rapportées dans Jean 21:18 ,19, en dehors de toute tradition, nous arrivons à cette conclusion : Durant sa jeunesse, Pierre pouvait se ceindre lui-même en fonction des tâches qu’il désirait accomplir. Il avait la liberté d’aller où il voulait. Mais cela devait changer à la fin de sa vie. Il allait devoir étendre les mains, peut-être en signe de soumission à quelqu’un d’autre. Celui-ci aurait autorité sur lui, le ceindrait (c’est-à-dire le livrerait ou le préparerait pour ce qui allait suivre) et le conduirait en un lieu où il ne désirerait pas aller, vraisemblablement à l’endroit prévu pour son exécution. Ainsi, la prophétie de Jésus concernant Pierre indiquait que l’apôtre mourrait en martyr ; cependant, cette prophétie ne précisait pas nécessairement la manière dont il mourrait. (119)

Voilà un avis plutôt rempli de préjugés ! L’extrait choisi du Commentaire Catholique en est un des aspects les plus répréhensibles. L’auteur de la Tour de Garde en conclut que « la déclaration de Jésus n’indique pas une mort par crucifiement ou au poteau . » Mais ce n’est pas ce que laisse entendre le livre. Examinons le contexte complet de l’article duquel est pris l’extrait :

Les mots ont certaines consonances mystérieuses et hermétiques des prophéties. En contraste avec la liberté dont jouissait Pierre dans sa jeunesse (se ceindre lui-même et se rendre où il voulait), intervient cet énigmatique évènement futur, dans sa vieillesse. Si la contrepartie ne contient que deux termes ; à savoir d’une part être ceint par un autre, tel un homme âgé qui est aidé pour s’habiller, et d’autre part être conduit vers un lieu non naturellement désiré (l’endroit pour l’exécution), la prophétie envisage uniquement la mort violente, et non la façon de mourir par crucifixion. L’extension des mains doit donc être le terme qui correspond spécifiquement à la crucifixion, mais puisqu’il est question d’étendre les mains avant d’être ceint et d’être conduit, il est difficile de décrypter comment cela doit être compris. Si l’ordre des paroles fait partie de la prophétie, nous devons supposer que le prisonnier fut attaché au patibulum avant d’être ceint et emmené pour être exécuté. Jean, écrivant après la mort de Pierre, note que Jésus a dit que « cela signifie de quelle mort il devait glorifier Dieu. » (120)

De toute évidence, les rédacteurs du Commentaire Catholique croient que la phrase « étendre les mains » se réfère ici à la crucifixion. Le passage que cite la Watchtower est pris hors contexte, étant donné que l’objet de la discussion concernait la séquences des évènements de la prophétie, et non pas la crucifixion.

L’auteur de la Watchtower rejette aussi sans raison apparente le témoignage d’Eusèbe, et propose une interprétation de remplacement pour Jean 21:18. Faussement, il suggère (dans la phrase « si ce n’est la tradition rapportée par Eusèbe ») qu’il n’y a que ce dernier qui fit mention de la tradition de la crucifixion de Pierre.

L’interprétation que fait la Société de Jean 21:18 fait fi non seulement du témoignage d’Eusèbe, mais plus important encore veut ignorer l’utilisation très répandue et attestée de εκτενεις τας χειρας tant dans la littérature classique que patristique. Un examen poussé des preuves littéraires révèle que jamais cette phrase n’a été utilisée pour parler d’une soumission à l’exécution. En fait, chaque fois que les auteurs grecs parlent d’ « étendre les mains » lors d’une mise à mort, ils se réfèrent en général à la crucifixion. C’est pourquoi, la remarque concluant l’article de la Tour de Garde, « la prophétie de Jésus concernant Pierre indiquait que l’apôtre mourrait en martyr ; cependant, cette prophétie ne précisait pas nécessairement la manière dont il mourrait » est totalement infondée. (121)

Les évangiles nous offrent donc une claire vision de la crucifixion de Jésus, celle de Jésus étendant ses bras sur le patibulum (comme Pierre, plus tard), chaque main clouée sur celui-ci avec un clou pour chaque main, le portant jusqu’au Golgotha, et finalement élevé sur le poteau avec le titilus placé juste au-dessus de la tête. A lui seul, le texte de Jean 19:17 prouve que le σταυρος avait une barre transversale.

Les écrits d’autres premiers Chrétiens indiquent explicitement que la croix de Jésus était une crux compacta. Nous en discutons dans la partie suivante.


D’autres preuves qui démontrent que Jésus ne fut pas mis à mort sur une crux simplex se retrouvent dans la chaîne consistante et continue des témoignages des premiers Pères de l’Eglise, ainsi que dans un échantillon varié d’autres auteurs chrétiens. Qu’ils soient orthodoxes ou hétérodoxes (appelés aussi « hérétiques »), ces auteurs, dès la fin du premier siècle de notre ère, déclarèrent que Jésus termina sa vie terrestre en étant cloué sur une croix à traverse horizontale. Ci-après, voici un éventail très incomplet de textes allant de l’Eglise primitive jusqu’au cinquième siècle.

Pseudo-Barnabé (écrivit en 70-79 ou aux environs de l’an 130 de notre ère)

(1) Soyez abondamment instruits sur toutes choses, enfants de la dilection : Abraham, qui le premier à pratiquer la circoncision, le fit en contemplant en esprit Jésus ; il avait, en effet, été initié au sens des trois lettres. L'Écriture dit en effet : " Abraham circoncit les hommes de sa maison au nombre de 18 et 300 " [en grec, TIH] (cf. Genèse 17, 23-27 ; 14, 14). De quel mystère reçut-il donc la connaissance ? Remarquez qu'on nomme d'abord les dix-huit, et après un intervalle, les trois cents. Dix-huit, c'est : dix, iota et huit, êta - ce qui fait I H = Jésus. [ IH sont les deux premières lettres de IHSOUS , « Jésus »]. Et comme la croix [o σταυρος] en forme de tau est source de la grâce, on ajoute encore trois cents = T. Jésus est désigné par les deux lettres et la croix [τον σταυρον] par la seule troisième. (Barnabé 9 :7-8) (122)
(2) Il décrit également la croix [του σταυρου] … Dieu parla encore à Moise (Exode 17, 13), lorsque Israël était à se défendre contre les tribus étrangères ; il lui remémora que cette guerre même était le signe de la mort qu'ils méritaient à cause de leurs péchés. L'Esprit-Saint inspira à Moïse une attitude figurant la croix et Celui qui devait y souffrir, car voilà le sens du geste : à moins d'espérer en cette croix, ils seraient livrés à une guerre éternelle. Moïse entassa donc boucliers sur boucliers au milieu du champ de bataille, et se plaçant sur le tas de façon à dominer les autres, il étendit les bras [εξετεινεν τας ξειρας] ; c'est ainsi qu'Israël reprit l'avantage. Après un moment, Moïse ayant laissé retomber les bras, Israël succombait à nouveau (Barnabé 12 :1-2)
(3) L’Esprit dit encore par un autre prophète (Isaïe 65 : 2) : " Tout le jour j'ai tendu mes mains [εξεπετασα τας χειρας] vers un peuple rebelle et rétif à mes justes voies " (Barnabé 12-4).

Justin Martyr (écrivit en 148-161 de notre ère)

(4) Après sa naissance, le Christ devait rester caché aux yeux des hommes jusqu'à l'âge de virilité: c'est ce qui arriva. Mais écoutez la prédiction: "Un petit enfant nous est né, et un jeune adolescent nous a été donné, et la marque de l'empire est sur ses épaules." Cette marque, c'est la croix qu'il porta au jour de sa passion, comme nous le dirons dans la suite de ce discours. Voici sur le même sujet des paroles de ce divin prophète Isaïe: "J'ai étendu mes mains vers le peuple incrédule et contradicteur, vers ceux qui marchent dans la voie mauvaise ... Mais c'est le Christ Jésus, dont les mains furent étendues quand il fut crucifié par les Juifs, ces incrédules qui niaient sa divinité (1 Apologie, 35). (123)
(5) Mais ils ne pensèrent jamais à contrefaire dans aucun des prétendus fils de Jupiter le supplice de la croix. En effet, cela ne leur vint pas en idée, parce que tout ce qui en avait été dit l'avait toujours été sous le voile du symbole. Cette croix est le signe principal, le caractère particulier de la force et de la puissance, comme parle le prophète. C'est une vérité dont vous trouvez la preuve dans les objets qui tombent continuellement sous vos sens. Car, veuillez réfléchir un instant, et voyez si dans ce monde on ne peut rien faire sans ce signe, si sans lui le moindre commerce est possible entre les hommes? Peut-on fendre les ondes sans que, formé de la vergue et du mât, il brille comme un trophée? Peut-on tracer un sillon sans la croix de la charrue? Tous vos pionniers, comme au reste tous les artisans et tous les manoeuvres, ne peuvent travailler sans des instruments qui affectent sa forme. L'extérieur même de l'homme ne diffère de celui des animaux que parce que son corps se tient droit et qu'il peut étendre les mains en croix. Et ce nez, proéminent organe de la respiration vitale, ne trace-t-il pas encore une croix au milieu du visage ? (1 Apologie 55)
(6) Et quand, dans le Timée, Platon cherchant, à l'aide des lumières naturelles, ce qu'est le fils de Dieu, dit: "Qu'il l'a imprimé en X dans tout l’univers " c'est encore une idée qu'il a empruntée à Moïse. Car nous lisons dans Moïse … il prit de l'airain, en fit une croix, Platon lut ce fait, et ne remarquant pas que ce signe était une croix [σταυρος], il crut que c'était seulement un X, et il dit "qu'après Dieu principe, la seconde vertu était imprimée en X dans tout l'univers." (1 Apologie 60).
(7) Moïse lui-même, étendant ses deux mains, pria Dieu pour recevoir de l’aide. Hur et Aaron lui soutinrent les mains durant toute la journée, de peur qu’il se fatigue et laisse retomber les bras. En effet, si Moïse abandonnait cette position, qui était une imitation du στραυρος, le peuple était battu (comme Moïse le témoigne lui-même), mais aussi longtemps qu’il restait dans cette position, ce sont les gens d’Amalec qui étaient battus, et celui qui était fort trouvait sa force dans le σταυρος… tandis que le nom de Jésus se trouvait aux premières lignes de la bataille [en Josué], Moïse fit le signe du σταυρος. (Dialogue avec Tryphon, 90). (124)
(8) De plus ; Dieu montra encore d’une autre façon la force du mystère du σταυρος lorsqu’il déclara par l’entremise de Moïse , dans la bénédiction prononcée sur Joseph (Deutéronome 33 : 13,17) : « Il est son taureau premierné, honneur à lui ! Ses cornes sont des cornes de buffle, il en frappe les peuples, toutes les extrémités de la terre à la fois. ». A présent, personne ne pourra affirmer ou prouver que les cornes d’un buffle représentent autre chose ou forme que celle de la croix. La première poutre du σταυρος est debout, sa plus haute extrémité est levée comme une corne lorsque la traverse y est fixée, et les extrémités de cette traverse ressemblent à des cornes jointes à cette corne. Et la partie qui est fixée au centre de la croix, sur laquelle les corps de ceux qui sont crucifiés sont maintenus, se profile aussi comme une corne et ressemble à une corne jointe et fixée aux autres cornes. (Dialogue, 91).

Irénée (écrivit en 177-200 de notre ère)

(9) Donc l'obéissance a conduit le Fils jusqu'à la mort, cloué sur le bois de la croix. Ainsi il a détruit l’ancienne désobéissance qui avait été commise par le moyen du bois. Et le Fils est la Parole du Père tout-puissant. Cette Parole, par laquelle le Père a créé le monde, s'étend aussi loin que la création tout entière. Elle la soutient dans sa longueur et sa largeur et dans sa hauteur et sa profondeur (Éphésiens 3, 18). En effet, c'est la Parole du Père qui domine sur l'univers. C'est à cause de cela que le Fils de Dieu a été cloué sur le bois de la croix selon ces quatre dimensions. En effet, il se trouvait déjà comme imprimé en forme de croix dans l'univers. (Démonstration de la prédication apostolique, 34) (125)
(10) … et il nous a délivrés d'Amalec en étendant ses mains sur la croix …(idem, 36)
(11) Et la phrase Dieu a placé la puissance sur ses épaules est une image qui désigne la croix. Le dos du Christ était appuyé sur cette croix quand il a été cloué sur elle (idem, 56)
(12) Au sujet de sa croix, Isaïe dit encore : Tout le jour, j'ai étendu les mains vers un peuple qui ne croyait pas et qui s'opposait à moi. Ces paroles sont une annonce de la croix (idem, 79)

Tertullien (écrivit entre 190 et 220 de notre ère)

(13) Vous attachez les Chrétiens à des croix [crucibus], à des poteaux.[stipitibus]. Quelle est la statue qui ne soit d'abord formée par l'argile appliquée à une croix et à un poteau [cruci et stipiti] ? C'est sur un patibulum que le corps de votre dieu est d'abord ébauché! (Apologétique, 12,3) (126)
(14) Ce n’était certainement à dessein que ce soit un rhinocéros à une corne ou un minotaure à deux cornes ; Christ était plutôt préfiguré par un taureau suivant les deux récits, pour certains sévère comme un juge, pour d’autres aimable comme un sauveur, dont les cornes étaient les extrémités de la croix. Car dans la traverse [antenna] qui fait partie de la croix [quae crucis pars est], les extrémités sont appelées cornes, alors que l’oryx, à la corne unique, désigne le poteau du milieu [medius stipitis palus]. (Adversus Marcionem 3,18,3-4) (127)
(15) Que dire de Moïse, priant assis et les mains étendues [expansis manibus] pendant que Josué combattait Amalec ? … A l’évidence, parce qu’à cette occasion, … la forme de la croix [crucis] était primordiale. (idem 3,18,6)
(16) Ce caractère est le Tau des Grecs, le T des Romains, sorte de croix [crucis]…(Idem, 3,23,6)
(17) Si vous voulez être le disciple du Seigneur, portez votre croix et suivez le Seigneur, » c'est-à-dire supportez la misère, la tribulation, ou seulement votre corps qui est une espèce de croix. (De Idolatria, 12) (128)

Minucius Felix (écrivit vers 200 de notre ère)

(18) Non ! Nous n’adorons point les croix, ni ne souhaitons d’y être attachés. C’est vous peut-être qui les adorez, en adorant des dieux de bois qui en sont faits. Et qu’est-ce autre chose que vos bannières et vos étendards, que des croix dorées et enjolivées ? Ces trophées mêmes qui sont vos plus glorieux monuments, n’ont pas seulement la figure d’une simple croix [simplicis crucis], mais d’un homme crucifié. Certes, le signe de la croix paraît naturellement en un vaisseau, dont les voiles sont enflées, ou qui va à la force de rames. Quand on dresse un joug, il représente une croix, et lorsqu’un homme prie Dieu les mains étendues [homo porrectis manibus], il fait la même figure. Ainsi le signe de la Croix, ou est naturel, ou sert à votre religion. (Octavius, 28). (129)

Clément d’Alexandrie (vécut dans les années 150-215 de notre ère)

(19) L’homme qui … était prisonnier de la corruption, s’était révélé libre à nouveau, par le moyen de Ses mains étendues. (Exhortation aux Grecs, 11) (130)

Firmicus (écrivit en 346 de notre ère)

(20) Quelles sont ces cornes qu’il se vante de posséder ? … Les cornes ne représentent rien d’autre que le signe vénérable de la croix. Par une « corne » de ce signe, celle qui est allongée et verticale, l’univers est élevé et la terre est maintenue ferme ; et par la jointure des deux cornes qui vont de chaque côté, l’Est est atteint et l’Ouest affermi … Toi, O Christ, maintient avec tes bras étendus l’univers, et la terre, et le royaume des cieux … Pour conquérir Amalec, Moïse étendit les bras et imita ces cornes (Les erreurs des religions païennes, 21,3-6) (131)

Rufinus (écrivit aux environs de 404 de notre ère)

(21) Ces mots, la hauteur et la largeur et la profondeur, décrivent la croix. La partie qui est enfouie dans le sol, c’est la profondeur. Par la hauteur, il se référa à la partie qui s’élève du sol et monte vers le haut. Par la largeur, il se référa à la partie qui s’étend vers l’extérieur, sur la gauche et sur la droite … Suivant la prophétie inspirée, Christ étendit ses mains. Il tint bon toute une journée vers ceux sur étaient sur la terre, témoignant aux incroyants et accueillant les croyants (Commentaire sur le Credo des Apôtres, 14) (132)

Jérôme (vécut en 347-420 de notre ère)

(22) « Durant toute la journée j’étendis mes mains vers un peuple incrédule et opposé. » Les mains du Seigneur levées vers le ciel ne sollicitaient pas de l’aide, mais nous abritaient, nous ses misérables créatures (Homélie, 68) (133)
(23) Que dit celui qui est indigné ? : « Ceci aurait pu être vendu pour trois cents derniers », parlant du parfum dont fut oint celui qui fut crucifié. Nous lisons dans la Genèse que l’arche bâtie par Noé avait 300 coudées de longueur, 50 coudées de largeur, et 30 coudées de hauteur. Notez la signification mystique de ces nombres … Trois cents inclut le symbole de la crucifixion. On écrit 300 à l’aide de la lettre T. (Homélie, 84)

Augustin (écrivit en 412-414 de notre ère)

(24) « afin qu'enracinés et fondés dans l’amour, nous puissions comprendre avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur », c'est à-dire la croix du Seigneur. La largeur, c'est le bois transversal sur lequel sont étendues les mains ; la longueur, c'est la partie qui monte de la terre jusqu'à là traverse, et à laquelle est attaché le corps jusqu’aux mains; la hauteur va de la traverse au sommet où repose la tête; et la profondeur est la partie fixée et cachée dans la terre. (De Doctrina Christina, 2,41) (134)
(25) Dans ce mystère apparaît l’image de la croix. Car, Lui qui mourut parce qu’il le voulut, mourut comme il le voulut. … il y a la largeur dans la traverse qui est attachée en haut ; ce qui se rapporte aux bonnes oeuvres parce que les mains y sont étendues. Il y a la longueur dans la partie visible du poteau qui s’étire de la traverse jusqu’au sol … La hauteur est dans la partie de la croix qui s’étend audessus de la barre transversale ou repose la tête du crucifié … et enfin, la partie qui n’apparaît pas, qui est enterrée et cachée, depuis laquelle le tout s’élève vers le haut, correspond à la profondeur de cette grâce octroyée librement. (Lettres,26) (135)

Paul de Nola (vécut en 355-431 de notre ère)

(26) Ainsi, il y a des navires qui flottent sur les vagues du monde, armés sur la droite par les avirons de la foi dans la vérité et par les oeuvres de justice, comme disent les Ecritures, et sur la gauche … et ils attachent la voile de leurs coeurs à la vergue de la croix (Lettres,23) (136)
(27) Vous voguerez sur une mer calme ; votre navire sera équipé de la croix comme vergue (Poèmes, 17). (137)
(28) Notre croix est façonnée sous deux formes. D’une part, elle a l’apparence d’une vergue, d’un mat de navire, ou du symbole conventionnel grec pour le chiffre 300, lorsqu’elle est confectionnée avec un simple poteau surmonté d’une traverse (Poèmes, 19).

Des exemples comme ceux-ci montrent que la tradition de la croix n’est pas une invention datant de l’époque de Constantin, comme le laisse entendre la Watchtower. Certains Chrétiens des tous premiers siècles, tel Pseudo-Barnabé, ont puisé dans un réservoir de mémoire orale, et ont décrit le stauroj de Jésus comme une croix à traverse horizontale. La découverte de la croix dans l’Ancien Testament, grâce à la pratique de la typologie, renforça cette mémoire et conduisit les Chrétiens à voir dans la croix quelque chose de plus qu’un simple instrument d’exécution. Elle devint le signe des souffrances terrestres du Christ et de son sacrifice rédempteur. Même ceux qui étaient quelque peu ou fort éloignés du Christianisme orthodoxe maintinrent la même tradition. Nous pouvons le constater dans des déclarations puisées dans des documents pseudépigraphiques et apocryphes.

Les Odes de Salomon (fin du 1er siècle - début du 2ème siècle de notre ère)

(29) Je déployai mes mains, je sanctifiai mon Seigneur, puisque l’extension de mes mains est son Signe, et mon déploiement, le bois dressé. (Ode 27). (138)
(30) Je déployai mes mains près du Seigneur, près du Très-Haut je haussai la voix. (Ode 37,1).
(31) Je déployai mes mains, m’offris près de mon Seigneur, puisque l’extension de mes mains est son Signe, et mon déploiement le bois déployé qui fut pendu sur la voie du Dressé. (Ode 42, 1,2).

Les Oracles Sibyllins (2ème siècle de notre ère)

(32) O bois, O toi béni au-dessus de tout, sur lequel Dieu a été étendu ; la terre ne pourra te contenir, mais vous verrez le ciel vous habiter lorsque tes yeux de feu, O Dieu, étincelleront comme des éclairs (Sib 6,26-28). (139)
(33) Moïse préfigura Jésus lorsqu’il étendit ses bras saints, conquérant Amalec par la foi, de telle sorte que le peuple pu reconnaître qu’il était élu et précieux auprès de Dieu, son Père. (Sib 8,251-253).
(34) Il étendra ses mains et mesurera la terre entière … Tout d’abord, le Seigneur fut clairement vu par les siens, dans la chair comme il l’était auparavant, et il montra ses mains et ses pieds, et les quatre marques imprimées dans ses membres, à l’est, à l’ouest, au sud et au nord. (Sib 8,302,318-321).

Actes de Pierre (fin du 2ème siècle de notre ère)

(35) … Car vous devriez venir vers la croix du Christ, qui est la Parole étendue … Ainsi la Parole est cet arbre vertical sur lequel je suis crucifié ; le bras, c’est la traverse, la nature de l’homme ; et le clou que tient la traverse au milieu du poteau vertical, c’est la conversion et la repentance de l’homme. (140)

Actes d’André (3ème siècle de notre ère)

(36) Et une de vos parties s’étend vers le ciel afin que vous puissiez désigner le Logos céleste, le chef de toutes choses Une autre est déployée vers la droite et vers la gauche afin que vous puissiez mettre en fuite la force redoutable et hostile et conduire le cosmos dans l’unité. Une troisième partie enfin est plantée dans le sol, enracinée dans les profondeurs. (141)

Epitre de Pseudo-Tite (5ème siècle de notre ère)

(37) Le nombre suggère aussi le signe de la croix, car 300 s’écrit en grec avec la lettre T, et le T est l’image de la croix, qui fait son apparition dans la vie de la virginité. (142)

Ainsi, les premiers Chrétiens, peu importe leur conviction doctrinale, étaient d’accord quant à la forme de la croix. Aucun écrivain ne compara la croix à la lettre grecque I ou recherchèrent des parallèles dans l’Ancien Testament pour justifier une telle forme. La Société ne discuta qu’exceptionnellement de la valeur des preuves patristiques. Voici ce que disait le Réveillez-Vous ! du 8 mars 1977 :

Mais n’y a-t-il pas des écrivains du début de notre ère qui disent que Jésus est mort sur une croix ? Justin le Martyr (114-167 de notre ère) décrivit comme suit l’instrument sur lequel, d’après lui, Jésus était mort : « La première poutre est placée à la verticale, avec une branche qui dépasse lorsque la seconde est fixée dessus ; les deux branches de celle-ci sont réparties symétriquement de chaque côté, donnant ainsi l’impression d’être montée sur la première par assemblage. » Cette description indique que Justin croyait, lui aussi, que Jésus était mort sur une croix. Mais Justin n’était pas inspiré de Dieu comme le furent les rédacteurs de la Bible. Quand il est né, cela faisait quatre-vingts ans que Jésus était mort, et il n’avait pu voir comment il avait été exécuté. D’après ce qu’on sait, Justin suivait la description d’un ouvrage antérieur intitulé la « Lettre de Barnabas ». Cet ouvrage apocryphe prétendait que, d’après la Bible, Abraham avait circoncis trois cent dix-huit hommes de sa maisonnée. Ensuite il en tirait une déduction à partir des lettres I, H et T avec lesquelles s’écrit le chiffre 318 en grec. Il disait que le I et le H représentaient les deux premières lettres du nom de Jésus en grec, et que le T indiquait la forme de l’instrument sur lequel il était mort.
A ce sujet, l’Encyclopédie de M’Clintock et Strong (anglais) fait le commentaire suivant : « Il semble que l’auteur ne connaissait pas les Ecritures hébraïques. De plus, il a commis la bourde de supposer qu’Abraham connaissait l’alphabet grec plusieurs siècles avant son apparition. » Dans la version anglaise de cette « lettre de Barnabas », le traducteur fait remarquer qu’elle « fourmille d’inexactitudes » et « d’interprétations absurdes et insipides des Ecritures », ainsi que « de fanfaronnades stupides sur la connaissance supérieure dont se targue l’auteur ». Allez-vous faire confiance à ce genre d’écrivain ou à ses adeptes pour recueillir des informations exactes sur le type de poteau sur lequel Jésus est mort ? (143)

Encore une fois, les arguments de la Société ne sont guère convaincants. Faut-il que quelqu’un soit nécessairement inspiré ou témoin oculaire pour rapporter des informations correctes ? S’il en est ainsi, on se demande pourquoi les publications de la Watchtower citent fréquemment Tacite et Josèphe (deux historiens non inspirés) pour prouver que Jésus est bien un personnage historique. (144) La conception qu’avait Justin du σταυρος composé d’un poteau et d’une barre transversale est corroborée par d’autres Apologistes du deuxième siècle, tels Irénée et Tertullien (et peut-être Melito de Sardes). Tout ceci indique que cette tradition reposait sur certains fondements. De plus, il n’y a aucune preuve qu’il y ait eu une dépendance littéraire quelconque entre l’Epitre de Barnabé et les oeuvres apologétiques de Justin.

L’article qualifie l’Epitre de Barnabé d’apocryphe, ce qui est faux (de même, elle n’est pas pseudépigraphique, puisqu’elle ne prétend nulle part que Barnabé en soit l’auteur). La Société rejette l’examen que fait Barnabé au sujet de la croix, sous prétexte qu’il se livre à de « stupides » interprétations typologiques. Voilà une critique est injustifiée, car la typologie fut un élément vital dans le courant de pensée du christianisme primitif. Elle était généralement répandue parmi les écrivains chrétiens du premier siècle (voir Galates 4 :21-26 ; 1 Pierre 3 : 20,21 : 1 Clément 12 : 7,8). Quoi de plus naturel pour les Chrétiens de l’époque que de sonder l’Ancien Testament pour y trouver des références prophétiques relatives à la croix ! Il est plutôt étrange que la Société critique le Pseudo-Barnabé parce qu’il interprète les Ecritures de cette façon, alors qu’ellemême, tout au long de son histoire, a fait un usage excessif de la typologie dans son expression la plus arbitraire.

L’attitude désobligeante manifestée tout au long de cet article contraste avec une approche plus raisonnable exprimée dans le même périodique deux ans plus tôt. Dans « Tirons profit de l’Histoire » publié dans le Réveillez-vous ! du 8 octobre 1974, elle admettait qu’il était fallacieux de rejeter une preuve historique simplement « du fait que les ouvrages de ces anciens écrivains contiennent parfois des inexactitudes ». Le rédacteur de la Watchtower en vint à dire que :

Même si dans ces écrits on sent le parti pris et les idées personnelles, certaines descriptions et circonstances peuvent être exactes et de réelle valeur. Au lieu d’écarter l’étude de l’histoire sous prétexte qu’elle est inutile, il est préférable de développer une qualité importante – le discernement. (145)

En fin de compte, l’article de 1977 laisse plusieurs questions importantes en suspens. Si Jésus mourut réellement sur un poteau de supplice, pourquoi les premiers Chrétiens sans exception décrivent-ils le σταυρος de Jésus comme un instrument possédant deux poutres ? Comment cette « fausse » tradition prit-elle si tôt naissance ? Comment en vint-elle à obscurcir complètement la vérité ? Lorsque nous comparons les preuves bibliques avec celles fournies par les sources bibliques et patristiques, il devient évident que la mise à mort de Jésus sur une crux simplex est l’hypothèse la moins vraisemblable.


L’archéologie est la source la plus incertaine d’information pour déterminer la forme du σταυρος de Jésus. Dans cette section, nous nous attarderons sur deux types de preuves : certains restes de victimes de la crucifixion et des représentations du σταυρος. A part une exception significative, aucun des artéfacts découverts ne résout vraiment le problème.

En juin 1968, par hasard, trois tombes furent mises au jour à Giv’at ha-Mitvar (au nord-est de Jérusalem), et les travaux d’excavation entrepris par l’archéologue Vasilius Tzaferis révélèrent les seuls restes connus d’une victime de la crucifixion. Suivant Fitzmyer, « les parties inférieures des os d’une jambe ayant appartenu à un adulte (tibiae et fibulae) avaient été brisées, et les os du talon (calcanei) avaient été percés par un clou d’acier. » (146) Le squelette s’appelait Yehohanan, suivant une inscription trouvée sur l’ossuaire.

Les os furent examinés (un peu trop hâtivement) par le Dr. Nico Haas de la Faculté médicale de l’Université hébraïque Hadassah. Ses conclusions sont résumées dans un article de la Tour de Garde daté de 1987 :

Selon Nico Haas, ce qu’on avait découvert n’était rien de moins que les ossements d’un homme crucifié au 1er siècle. Au moment de l’exécution, on avait semble-t-il cloué les deux talons de la victime sur un poteau vertical, mais le clou s’était tordu en rencontrant un noeud dans le bois. Après que le supplicié juif eut expiré, les siens n’arrivèrent pas à ôter le clou de ses talons, et ils l’enterrèrent donc avec. (147)

Et que dire des membres supérieurs ? Hans remarqua une petite rayure dans un des os de l’avant-bras et ce fut pour lui « une preuve ostéologique de la pénétration d’un clou dans l’espace interosseux entre le radius et le cubitus ».

Sur cette base, Haas en déduisit que « les membres supérieurs avaient été étendus, chacun fixé par un clou dans l’avant-bras ». (148)

Suite à de graves problèmes de santé, Haas ne put davantage examiner les restes du supplicié, mais ses conclusions furent largement acceptées. (149) Même la Watchtower publia un bref rapport sur cette découverte, déclarant toutefois inexactement que Vasilius Tzafaris avait découvert la victime d’un « empalement ». (150) Bientôt cependant, on en vint à émettre certains doutes. En 1973, l’éminent archéologue Yigael Yadin rejeta la preuve avancée par Haas et proposa que « les talons avaient été percés et attachés ensemble afin de les fixer sur deux plaques de bois, une en acacia près de la pointe du clou et l’autre en bois d’olivier à sa tête. Le clou avait été plié à l’arrière pour assurer la fixation. Ensuite, l’homme avait été attaché à la croix, pendu par les jambes à son sommet - genoux séparés, mais talons bien attachés ensemble pour former une boucle afin d’éviter que le corps ne glisse vers le bas. » (151) Cette hypothèse fut mieux reçue que celle avancée par Haas, toutefois les déclarations de ce dernier prévalurent parmi la majorité des érudits, et ce jusqu’en 1985.

Cette année-là, Joseph Zias, conservateur au Département des Antiquités et des Musées d’Israël, et Eliezer Sekeles, de la Faculté médicale de l’Université hébraïque Hadassah, réexaminèrent les restes de la crucifixion et en conclurent que l’analyse de Haas était erronée :

Le clou était plus court que ne l’avait signalé Haas, et par conséquent il n’aurait pas été assez long pour transpercer les os des deux talons et s’enfoncer dans le bois. Les morceaux d’os avaient été incorrectement identifiés. Aucun d’eux ne provenait d’un deuxième talon ; le clou ne transperçait qu’un seul talon. Certains fragments d’os appartenaient à un autre individu. (152)

Zias et Sekeles pensaient que « le condamné se trouvait à califourchon sur un poteau droit avec chaque pied cloué latéralement à la croix. Selon eux, c’était la reconstitution la plus logique. » (153)

Les deux chercheurs soutinrent également que les bras de Yehohanan étaient liés au patibulum à l’aide de cordes. La présence d’une rayure sur un des avant-bras n’était pas « une preuve convaincante » d’une blessure causée par un clou, parce que « beaucoup de rayures non traumatiques et d’empreintes similaires sont relevées sur d’anciens squelettes. En fait, deux empreintes creuses et non traumatiques furent détectées sur le péroné droit, et ni l’une ni l’autre n’avait un rapport quelconque avec la crucifixion … Par conséquent, l’absence de lésions sur l’avant-bras et sur le métacarpe de la main laissèrent supposer que les bras du condamné avaient été liés plutôt que cloués sur la croix. » (154)

La Société publia un article bien écrit sur cette nouvelle analyse dans la Tour de Garde du 15 août 1987. Il incluait deux dessins qui reproduisaient la reconstitution de Haas et de Zias / Sekeles, ce qui aura certainement surpris plus d’un Témoin. L’article concluait que les preuves provenant de Giv’at ha-Mitvar n’ajoutaient pas grand-chose quant à savoir de quelle manière Jésus avait été exécuté. Disons qu’ici, la Société a raison. Rien n’indique qu’un patibulum était attaché sur la croix de la victime. Les bras de Yehohanan auraient pu être étendus sur une crux simplex. La preuve était si sujette à caution que Zias et Sekeles furent obligés de se tourner vers les écrits classiques pour conforter leur reconstitution quant à la position des bras. (155)

L’incertitude caractérise aussi une autre découverte archéologique qui a rapport avec notre enquête. Il s’agit de la « Croix d’Herculanum ». Découverte en 1939, elle créa la même sensation qui avait suivi les révélations de Giv’at ha -Mitvar. Voici comment Marcel Brion décrit l’objet :

Cette sorte d’armoire, peut-être un autel extrêmement simple, presque un prie-Dieu, est surmontée de l’empreinte d’une croix sur le mur. Pour être plus précis, ce qu’on voit de nos jours, c’est l’endroit où fut fixée, avec des clous, une croix de bois. Autour des bras de cette croix, une partie du mur a été blanchie à la chaux, comme pour fournir un cadre et un arrière plan au signe sacré … (156)

Comme Herculanum fut détruite en 79 de notre ère, lors de la fameuse éruption du Vésuve, certains ont conclu que cette empreinte murale prouvait que les premiers Chrétiens – peut-être l’apôtre Paul lui-même – révéraient la croix et croyaient que Jésus avait été mis à mort sur un instrument qui avait cette forme. (157)

De telles interprétations, bien que romantiques, sont trop excessives. Il n’y a pas la moindre évidence que cette empreinte en forme de croix ait une liaison quelconque avec le Christianisme ou avec la Crucifixion de Jésus. En réalité, plusieurs chercheurs sérieux pensent que cette marque est celle laissée par une petite armoire. (158)

Une représentation de la Crucifixion, la seule qui ne soit pas ambiguë, date d’avant Constantin. Elle fut découverte à Rome, au Paedagogium, sur les versants du Mont Palatin. En 1856, R. Garruci examinait les murs de ce bâtiment (probablement une ancienne prison pour esclaves), et y découvrit une caricature de Jésus crucifié. Suivant Jack Finegan, « ce graffiti montre, fixé sur une croix, un personnage avec un corps d’homme et une tête d’âne. Les pieds reposent sur une sorte de plate-forme et les bras sont liés sur la barre transversale de la croix. A gauche, on voit un plus petit personnage, un garçon ou un jeune homme dans une attitude d’adoration. (159) L’auteur du dessin écrivit en-dessous des caricatures : « ΑΛΕΧΑΜΕΝΟΣΣΕΒΕΘΕΟΝ », ce qui signifie « Alexamenos adore son dieu » ou au vocatif « Alexamenos, adore Dieu. » (160)

Sans doute s’agit-il d’un graffiti blasphématoire gribouillé sur un mur par un esclave païen. « Vraisemblablement, on a affaire aux moqueries qu’eut à subir un jeune Chrétien dans le palais impérial. (161) Tertullien décrivit un dessin humoristique similaire dans son Apologeticus :

Très récemment, une nouvelle représentation de notre dieu a été publiée dans la ville, initiée par un criminel embauché dans l’arène pour se jouer des bêtes sauvages. Il a fait paraître un dessin avec cette inscription : « Onokoites, le dieu des Chrétiens ». Il a les oreilles d’un âne, un de ses pieds est fourchu, et il est revêtu d’une toge et tient un livre. Nous nous mîmes à rire en voyant le dessin et ce qui y était écrit. (162)

On pense que le graffiti du Mont Palatin date de l’époque de l’empereur Marcus entre 161 et 180 de notre ère, bien que d’autres le situent plus tard, entre 222 et 235, sous Alexandre Severus. (163) Sur base de ces dates, on pourrait rétorquer que la caricature est trop tardive pour prouver quoi que ce soit. Néanmoins, elle renforce le témoignage des premiers Pères de l’Eglise.

Si les apologistes du deuxième siècle ainsi que leurs adversaires païens s’accordèrent pour dire que Jésus est mort sur une croix à barre transversale, la tradition est bien plus solide que ce qu’avance la Société.


La plupart des Témoins seront sans doute d’accord pour dire que la doctrine du « poteau de supplice » est relativement mineure comparée aux concepts de base de leur foi. Ce n’est que tous les deux ou trois ans que la Watchtower publie une étude plus ou moins détaillée sur la croix, alors qu’elle revient régulièrement après quelques mois sur des doctrines majeures telles que la christologie, l’eschatologie et l’évangélisme. Quelle en est la raison ? Très probablement, parce que c’est une doctrine secondaire, servant uniquement de support à la théorie de « l’origine païenne » de la croix. Elle est bien moins importante que les doctrines centrées sur la prédication.

La Société se rend peut-être compte que sa doctrine ne résiste pas à un examen minutieux et critique. Le discours qui se résume au fait que les mots clés σταυρος, ξυλον et crux se traduisent uniquement par « poteau » est manifestement faux. Tout aussi fausses sont les hypothèses avancées par la Société pour amoindrir la portée de ces mots clés.

Lorsque la Watchtower discute de preuves, les articles qu’elle publie sont toujours beaucoup trop courts et, en général, réduisent à l’extrême les sujets abordés. Souvent d’ailleurs, l’exposé se résume à une série de citations tirées d’autres sources, comme celles du lexique de W.E. Vine. Les indices révélateurs tirés de la littérature classique et patristique sont écartés, ainsi que ceux fournis par l’archéologie et par la Bible. Chaque fois que la Société en fait mention, elle trouve toujours une raison pour expliquer les choses à sa manière. Ce qui est particulièrement grave, c’est la façon déshonnête dont elle a cité les anciens auteurs Lucien et Tite-Live, ainsi que des études plus récentes, comme celles des Commentaires Catholiques. (164) (Lire attentivement cette note 164)

Certains pourraient se demander pourquoi s‘attarder si longuement sur un enseignement mineur de la Watchtower. Disons qu’il y a deux raisons. Tout d’abord, comme le révéla Frederick Franz devant un tribunal, les Témoins sont dans l’obligation d’accepter les enseignements erronés de la Société comme vérités bibliques, et ce sans se poser de questions. Si quelqu’un s’aventurait à divulguer ses soupçons, déclarant ouvertement la fausseté d’une doctrine, il s’exposerait à l’excommunication. (165) Et cette mesure pourrait toucher les adeptes qui se mettraient à douter de doctrines mineures, comme celle du « poteau de supplice ». Il est vrai qu’on ne saura jamais, avec certitude absolue, quel type d’instrument fut utilisé pour exécuter Jésus. Toutefois il y a des preuves – des preuves très solides – pour que ce soit la croix. Quelle doit donc être l’attitude d’un Témoin s’il en arrive à ne plus croire ce qu’écrit noir sur blanc la Société en matière doctrinale ? Comment est-il supposé agir lorsque sa propre Bible, la Traduction du Monde Nouveau, déclare faussement qu’ « il n’y a donc aucune preuve que Jésus Christ ait été crucifié sur un poteau vertical surmonté d’une traverse horizontale » ? (166) Ce n’est sûrement guère facile pour une telle personne d’acquérir une certaine indépendance de pensée.

Deuxièmement, cette étude a démontré qu’il est fallacieux de favoriser sans cesse la « signification de base » d’un mot et de le réduire à ses paramètres sémantiques. Il est surprenant de constater que les doctrines les plus cruciales des Témoins doivent leur existence à ce cadre restrictif de l’étymologie. Cela vaudrait la peine d’examiner si παρουσια doit réellement être défini par « présence », κολασιν par « retrancher », et αιδης par « tombe ». La restriction sémantique appliquée dans la doctrine du « poteau de supplice » se retrouverait très probablement dans d’autres enseignements.

Voir aussi cet excellent dossier : Que répondre aux Témoins de Jéhovah sur le Christ cloué "à un poteau" ? - christroi.over-blog.com


  1. Voir “Overland Monthly” – juin 1909, p. 551.
  2. Annuaire des Témoins de Jéhovah 1975 (Brooklyn, N.Y. – Watch Tower Bible and Tract Society, Inc., 1974), p. 148. .
  3. Idem.
  4. Idem, suivant Grant Suiter, ancien secrétaire / trésorier de la Société.
  5. Livre « Richesses » publié en français en 1936 – p. 25.
  6. New World Translation of the Christian Greek Scriptures (Brooklyn, N.Y. 1950), p 771 : « Ceci est une traduction révolutionnaire [c’est-à-dire, rendre stauroj par « poteau de supplice »], nous l’admettons, mais c’est la plus pure. Avec le temps, et grâce aux futures découvertes archéologiques, les preuves montreront qu’elle s’avère correcte. »
  7. TMN (1987) - p. 1649.
  8. Auxiliaire pour une meilleure intelligence de la Bible (WBTS - 1992) - p. 1212.
  9. TMN (1987) - p. 77.
  10. Comment raisonner à partir des Ecritures (WBTS - 1985 - 1989) - p. 77.
  11. Dictionnaire historique de la langue française - Le Robert.
  12. Odyssée 14, 11. – Loeb Classical Library
  13. Gerhard Kittel et Gerhard Friedrich, Theological Dictionary of the New Testament (Grand Rapids, M.I. ; W.B. Eerdmans, 1985). Vol 4. p. 573.
  14. Xénophon, Anabase 5,2,21 ; Thucydide 4,90,2 ; Plutarque, Artaxerxes 17,7 ; Philon, De Agricultura 11 ; Josèphe, Guerre des Juifs 5, 469.
  15. Clouer le cadavre d’une victime sur un poteau ou sur un arbre était une pratique habituelle dans la région méditerranéenne. Voir la « International Standard Bible Encyclopedia, Vol 1, p. 828 pour des détails complémentaires.
  16. Kittel et Friedrich, Vol. 4, p. 573.
  17. Bien que la Bible le décrive comme un simple poteau (Esther 7 : 9,10), Hérodote écrit qu’il est constitué de « planches » (Historiarum 9,120) et Plutarque montre que même quatre poteaux verticaux furent utilisés pour une seule victime (Artaxerxes 17,5). Apparemment, la forme de l’instrument n’avait pas d’importance pour les Perses, du moment qu’il remplissait sa fonction.
  18. Kittel et Friedrich, Vol. 4, p. 573
  19. J.B. Torrance, The New Bible Dictionary, édité par J.D. Douglas (Grand Rapids M.I. ; Eerdmans, 1962), p. 279.
  20. Antiquités romaines, 7,69,1-2. - Loeb Classical Library
  21. Coriolanus 24,4-5. - Loeb Classical Library
  22. Le témoignage de Plaute sera examiné dans la partie consacrée au mot crux.
  23. Selon David Smith, A Dictionary of Christ and the Gospels, édité par James Hastings (Edimburgh, T & T Clark, 1906), Vol. 1, p. 397 : « Parfois la victime était attachée à ce poteau par les mains et les pieds, le haut de celui-ci dépassant sa tête. Habituellement, cependant, le poteau était pointu (skolof) et la victime y était empalée. Il passait à travers toute la longueur de son corps et sortait de sa bouche. »
  24. Comment raisonner à partir des Ecritures (1985-1989), p. 77.
  25. Tour de Garde, 1er février 1961, p. 45.
  26. La vérité qui conduit à la vie éternelle (WBTS, 1968), p 142-143 ; Réveillez-vous ! , 22 août 1969, p. 4 ; Auxiliaire pour une meilleure intelligence de la Bible, p. 1212 ; Comment raisonne à partir des Ecritures, p. 79 ; Tour de Garde, 15 août 1987, p. 22 ; Tour de Garde, 1er mai 1989, pp 23-24 ; voir Vine, An Expository Dictionary of New Testament Words, Vol 1, p. 256
  27. Kip écrit à la page 11 : « Il veut bien dire ‘poteau’. Je ne sais pas comment l’Eglise a pu rendre stauros par « croix » , mais cela ne m’étonne pas. Elle fait ce genre de choses au moins depuis l’époque de Constantin. »
  28. Staurousqai pasi men toij nautillomenoij agaqon kai gar ek culwn kai hlwn gegonen o stauroj wj kai to ploion, kai h kataptioj autou omoia esti staurw. – L’interprétation des rêves.
  29. Auxiliaire pour une meilleure intelligence de la Bible, p. 1212.
  30. Voir le bas-relief d’un navire romain en provenance de Sidon dans « The Early Christian Church » de Philip Carrington, Vol 1, p. 129.
  31. Procès de Lucien, 12.
  32. p. 769.
  33. New World Translation of the Holy Scriptures (1984), p. 1577.
  34. Prometheus, 1.- Loeb Classical Library
  35. Prometheus, 2.
  36. Epictète 3, 26, 22.- Loeb Classical Library
  37. La guerre des Juifs, 5, 450-451. Notons que Josèphe fut témoin oculaire de ces évènements.- Loeb Classical Library
  38. Leurs déclarations seront examinées dans la section « Preuves bibliques ».
  39. A une certaine occasion, la Société reconnut qu’il en était ainsi : « … tandis que le terme stauros, le seul utilisé par les évangélistes, peut signifier un poteau, un pieu ou une croix » (Réveillez-vous !, 22 juillet 1963, p. 29). Comparez avec le Réveillez-vous ! du 8 mars 1977, p. 27.
  40. p. 28.
  41. Idem.
  42. p. 29.
  43. p. 769.
  44. Réveillez-vous !, 22 juillet 1963, p. 29.
  45. Iliade 8,507 ; Thucydide 7,25,2 ; Hérodote 1,186.
  46. Xénophon An, 6,4-5.
  47. Démosthène 1111,22 ; Aristophane Vespae, 90 ; Acharnenses, 25.
  48. Aristophane Fragmenta, 402-403.
  49. Hero Geometrica, 23,4,11
  50. Kittel et Friedrich, Vol 3, p.37.
  51. Aristophane Nubes, 592 ; Lysistrata, 680.
  52. Hérodote 9,37 : Aristophane Equites, 367.
  53. Aristophane Equites, 1049.
  54. Hérodote 2,63 : 4,180 ; Plutarque Lycurgus, 30,2.
  55. Joseph A. Fitzmyer, Crucifixion in Ancient Palestine, Qumrum Literature, and the New Testament.” The Catholic Biblical Quaterly, Vol 40 (1978), p. 509.
  56. Tite-Live 1,26,10-11 ; Cicéron Pro Rabirio, 4,13 ; Sénèque Epître, 101,14.
  57. Voir particulièrement Sénèque, ci-dessus.
  58. 11QT, colonne 64, lignes 6-13 ; 4QpNah, fragments 3-4, colonne 1, lignes 1-11. La dernière citation décrit la crucifixion d’Alexandre Janneus en 88 avant JC. Josèphe se réfère au même évènement dans Antiquités, 13,14,2 : Guerre des Juifs, 1,4,5-6 ; Fitzmyer discute en détail de ces textes, pp. 408-507 ; Yigael Yadin, « Pesher Nahum (4Q pNahum) Reconsidered », Israel Exploration Journal, Vol. 21, n° 1 (1971), pp. 1-12 ; Joseph M. Baumgarten, « Does TLH in the Temple Scroll Refer to Crucifixion », Journal of Biblical Literature, Vol. 91 (1972), pp. 472-81.
  59. « ‘Upon The Tree’ - Deut. 21 :22-23 in The New Testament », Journal of Biblical Literature, Vol. 96 (1977), p. 92.
  60. Antiquités, 11, 246-261.
  61. De Somniis, 2, 213.
  62. p. 23
  63. « Toute écriture est inspirée de Dieu et utile » (WTBS, 1963), p. 223. Voir Tacite, Annales, 15,44.
  64. « La Révélation, le grand dénouement est proche ! » (WTBS, 1988), p. 101.
  65. p. 770.
  66. p. 17.
  67. p. 1649.
  68. David W. Packard, A Concordance to Livy (1968), p. 1011.
  69. Traduction d’après le texte anglais de B.O. Foster. - Loeb Classical Library
  70. Tite-Live 28,29,11.
  71. Persa, 295.- Loeb Classical Library
  72. Miles Gloriosus, 359-360 : Plaute, Three Comedies.
  73. Mostellaria, 55-57.
  74. Idem, 359-360.
  75. Carbonaria, fragment 2 ; Macci Plauti Comoediae, Vol. 7, p. 141. ; The Comedies of Plautus.
  76. De Vita Beata, 19,3.- Loeb Classical Library
  77. De Ira, 1,2,2.
  78. De Consolatione, 20:3.
  79. Epître 101, 10-14.- Loeb Classical Library
  80. Epître 14,5.
  81. Fragmenta, 124 ; Divinis Institutionibus, 6,17.- Fathers of the Church Library
  82. Histoires, 4,3 - Loeb Classical Library
  83. Annales, 4,72.- Loeb Classical Library
  84. Annales, 14,33.
  85. Encyclopaedia Britannica : Micropaedia (1989), Vol 10, p 632,633.
  86. p. 27.
  87. Ekastoj kakourgwn ekyerei ton autou stauron :Plutarque, De Sera Numinis Vindicta, 9.
  88. o mellwn staurow proshlousqai proteron autou bastazei : Artemidorus Oneirocritica, 2,56.
  89. Chaereas and Callirhoe, 4.
  90. La Société ne l’a jamais formulé de façon explicite. Mais c’est la seule interprétation possible. Le livre « Le plus grand homme de tous les temps » (1991) contient une illustration montrant Simon de Cyrène portant le poteau sur son épaule droite, à la façon d’un bûcheron (chapitre 124). – Comparer avec la Tour de Garde du 15 novembre 1978, p. 29.
  91. p. 1212.
  92. Le même livre examine le mot « tradition » et dit que certaines traditions étaient « erronées, ou encore observées et considérées d’une manière qui les rendaient nuisibles et inacceptables. » (Aide, p. 1476).
  93. La représentation la plus ancienne date d’environ 430 de notre ère.
  94. Bernard, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to St. John, Vol 2, p. 628.
  95. William R. Wilson, The Execution of Jesus, p. 167.
  96. Vol 1, p. 826.
  97. Voir la Tour de Garde du 15 août 1987, p. 24.
  98. Tour de Garde du 1er juillet 1984, p. 31.
  99. Idem.
  100. Bernard note (pp. 674,682) : « Luc et Jean sont tous les deux d’accord sur le fait que ses mains étaient marquées, et Jean parle de la marque des clous (v 25), mais ce dernier ne dit rien au sujet des pieds qui auraient été cloués ; » « Comme il a été signalé pour le v. 20, il n’y a aucune mention du clouage des pieds. »
  101. Bien qu’elle reste sur la position prise dans cet article, la Société a admis dans la Tour de Garde du 15 août 1987 (p. 29) que la remarque faite par Thomas pourrait signifier « que chaque main a été transpercée par un clou. »
  102. Evangile de Pierre 6 :21.
  103. Voir Irénée, Adversus Haereses, 5,31,2.
  104. A noter également l’Oneirocritica d’Artemidorus, 1,76 : kakoupgoj de wn staurwqhsetai dia to uyoj kai thn twn xeirwn ektasin : « S’il est un criminel, il sera crucifié en raison de la position élevée et étendue des mains », Antiquités de Josèphe 19,94 et les commentaires de nombreux premiers Pères de l’Eglise relatifs à la mort de Jésus (voir la partie suivante).
  105. Voir également Plaute, Pseudolus, 839-842.
  106. Walter W. Hyde, Paganism to Christianity in the Roman Empire, p. 269.
  107. Bernard (p. 709) démontre que le verset 18 est bien de Jean : “car, s’il (le rédacteur) avait voulu mettre des phrases de son propre cru ou dans la bouche de Jésus, phrases qui devaient contenir une prophétie relative à la crucifixion de Pierre, il l’aurait fait avec moins d’ambiguïté. »
  108. Bernard, p. 708.
  109. Daniel W. O’Connor, Peter in Rome : The Literary, Liturgical, and Archaeological Evidence, p. 62
  110. Idem.
  111. Idem.
  112. Lindars, The Gospel of John : Based on the Revised Standard Version, p. 636-637.
  113. Idem.
  114. MacGregor, The Gospel of John, p. 375.
  115. Cette date est aussi bien acceptée par les critiques de la Bible que par les Témoins de Jéhovah. Pour d’autres opinions, voir John A.T. Robinson, Relating the New Testament, p. 254-311.
  116. 1 Clément 5 :3-4 ; Ascension d’Isaïe 4 : 2,3.
  117. Tacite, Annales, 15,44.
  118. Tertullien De praescriptione haericorum 36,12 ; Scorpiace , 20 ; Adversum Marcion 4,5 ; Lactance De mortibus persecutorum, 2 ; Origène Commentary on Genesis, 3 ; Eusèbe De theophania, 5,31 : Ecclesiastical History 2,25,5. Dès Origène, on disait que Pierre avait été crucifié la tête en bas.
  119. p. 512.
  120. Bernard Orchard, A Catholic Commentary on Holy Scriptures, p. 1017.
  121. La Société contredit cette conclusion dans le livre “Le plus grand homme de tous les temps” (ch. 150). Elle pose la question : « Comment Jésus indique-t-il quelle sera la mort de Pierre ? » La réponse apparaît sur la même page. Elle sous-entend que c’était la crucifixion (ou l’empalement) : « Jésus révèle maintenant que, tout comme lui-même a été lié et exécuté parce qu’il faisait l’oeuvre que Fieu lui avait confiée, Pierre passera par les mêmes épreuves. »
  122. The Apostolic Fathers.
  123. Early Christian Fathers.
  124. Fathers of the Church.
  125. Ancient Christian Writers.
  126. Loeb Classical Library.
  127. Oxford Early Christian Text.
  128. Early Latin Theology, Selections from Tertullian, Cyprian, Ambrose and Jerome.
  129. Idem.
  130. Loeb Classical Library.
  131. Ancient Christian Writers.
  132. Traduction par J.N.D. Kelly.
  133. Fathers of the Church
  134. Idem.
  135. Idem
  136. Ancien Christian Writers.
  137. Traduction anglaise de Walsh.
  138. Traduction Marie-Joseph Pierre
  139. Old Testament Pseudepigraphica
  140. The Other Bible
  141. Traduction anglaise de E. Best
  142. New Testament Apocrypha
  143. Idem.
  144. La Bible est-elle la parole de Dieu ? , Comment raisonner à partir des Ecritures , Le plus grand homme de tous les temps
  145. Mots mis en italiques par l’auteure.
  146. Fitzmyer, p. 495.
  147. Tour de Garde, 15 août 1987, p. 28.
  148. Nico Haas, Anthropological Observations on the Skeletal Remains from Giv’at ha-Mitvar, Jerusalem, Israel Exploration Journal, Vol. 20, p. 38-59.
  149. Fitzmyer, pp. 494-498 ; Tzaferis, “Crucifixion – The Archeological Evidence”, Biblical Archeology Review, Vol.11, pp. 44-53.
  150. Awake ! - 22 February 1971, p. 30 (anglais)
  151. Fitzmyer, p. 497 ; Yadin “Epigraphy and Crucifixion”. Israel Exploration Journal, Vol. 23, pp. 18-22.
  152. Tour de Garde, 15 août 1987, p. 28-29 ; Zias and Sekeles, « The Crucified Man from Giv’at ha-Mitvar : A Reappraisal », Israel Exploration Journal, Vol. 35. pp. 22-27.
  153. Zias and Sekeles, p. 26.
  154. Idem, pp. 24,26.
  155. Idem, p. 26. Curieusement, Zias pense que Jésus fut exécuté sur un arbre littéral plutôt que sur une croix. Voir sa lettre publiée dans Bible Review, December 1989, p. 40,41.
  156. Brion, Pompeii and Herculaneum : The Glory and the Grief, p. 82.
  157. Amedeo Maiuri, Herculaneum, p.47 ; Joseph Jay Deiss, Hercumaneum : Italy’s Buried Treasure, pp. 94-97 ; Carrington, pp. 205-206.
  158. Erich Dinkler, “Comments on the History of the Symbol of the Cross”, Journal For Theology and the Church, Vol 1, pp. 124-146 ; G. de Jerphanion, “La Croix d’Herculaneum ? “ Orientalia Christiana Periodica, Vol 7, p. 5 ; G.F. Snyder, Ante pacem : Archaelogical Evidence of Church Life Before Constantine, p. 27.
  159. Finegan, Light From the Ancient Past : The Archaeological Background of Judaism & Christianity, p. 373.
  160. Idem ; Snyder, pp. 27-28.
  161. Finegan, p.373 : Michael Gough, The Early Christians, pp. 83-84.
  162. Apologeticus, 16, 12-14 – Fathers of the Church
  163. D.M. Spencer-Jones, The Early Christians In Rome.

164. Cette étude serait incomplète si on omettait de commenter la façon dont la Société s’est servie de l’oeuvre majeure de Juste Lipse, « De Cruce Libri Tres ».

La Société a fait croire, par cette illustration, que Juste Lipse représentait Jésus cloué sur un poteau droit. Voir Tour de Garde du 15 mai 1980 (reprise ci-dessous)

La Société a fait croire, par cette illustration, que Juste Lipse représentait Jésus cloué sur un poteau droit. Voir Tour de Garde du 15 mai 1980 (reprise ci-dessous)

En 1987 notamment, dans l’appendice de sa Traduction du Monde Nouveau à références, elle reprend une illustration tirée du premier volume de cette oeuvre et l’intitula : « Crux simplex » (pp. 1648-1649).

Elle avait déjà été publiée dans l’appendice de la TMN de 1950 (anglais) et était soustitrée « Voici la façon dont Jésus fut empalé ». - (Comparer avec le Réveillez-Vous ! du 22 septembre 1984, p.16.) De nombreux Témoins de Jéhovah furent persuadés que cette illustration, c’était réellement Jésus, et que Juste Lipse croyait que ce dernier avait bien été empalé sur un poteau. Ceci fut clairement confirmé par la Tour de Garde du 15 mai 1980, page 30. Après avoir décrit une petite sculpture de Jésus crucifié avec les bras étendus au-dessus de la tête (oeuvre dite de Michel-Ange), l’article ajoutait : « Que cette sculpture sur bois soit ou non l’oeuvre de l’artiste du seizième siècle, elle montre que l’exécution du Christ sur une croix n’a pas toujours été aussi certaine que les chefs de la chrétienté ont bien voulu le faire croire. Ainsi, dans son livre ‘De Cruce Liber Primus’, Justius Lipsius, exégète catholique du seizième siècle, représenta Jésus cloué sur un poteau droit. ». La vérité, c’est que Juste Lipse croyait bel et bien que Jésus avait été mis à mort sur une croix à traverse. Il examina nombre de sources littéraires avec minutie, et décrivit dans son ouvrage une douzaine de variétés de crux compacta

165. Pursuer’s Proof, Douglas Walsh vs. the Right Honourable James Latham Clyde, p.114.

166. 1987 TMN avec références, p. 1649.

 

Merci au traducteur Jacques Luc et à l'auteur original "Leolaia" pour cette excellente étude.

 

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