Geoffrey Jackson, membre du collège central des Témoins de Jéhovah, a été convoqué ce vendredi 14 août devant la Commission Royale d’Australie dans le cadre de l'enquête sur la pédophilie au sein de l'organisation.

Après avoir révélé que plus de 1000 cas de pédophilie ont été délibérément cachés par l'organisation des Témoins de Jéhovah en Australie, la Commission Royale chargée d'évaluer les réponses institutionnelles aux abus sexuels sur mineurs a décidé de convoquer Geoffrey Jackson afin qu'il puisse témoigner sur ce sujet. L'objectif est de statuer sur le relatif laxisme des Témoins de Jéhovah envers les pédophiles "repentants" et de faire pression sur l'organisation pour qu'elle signale systématiquement aux autorités tous les cas de pédophilie. Il sera également fait mention des règles "bibliques" appliquées par les Témoins lors de leurs comités judiciaires, notamment la règle controversée des "deux témoins" (voir le livre des anciens).

L'audience aura lieu demain vendredi 14 août 2015 à 11h00 heure locale, soit 3h00 en France. Cette audition sera diffusée en live sur le site officiel de la Commission Royale puis évidemment diffusée sur Youtube (par exemple ici).

Cet article sera mis à jour après l'audition pour en relater les faits marquants.

[mise à jour]

Comme signalé par "Claude-Roland" dans les commentaires, l'audience a effectivement eu lieu par visio-conférence et a duré environ 3h. Ci-dessous les vidéos :

Première partie

Beaucoup de choses à dire sur cette partie. Voici quelques commentaires par ordre chronologique :

Présentation du rôle et du fonctionnement du collège central

Les 20 premières minutes sont consacrées à expliquer ce qu'est le collège central, son rôle, son fonctionnement, le choix de ses membres. On notera l'expression "Gardiens de la doctrine", utilisée par Jackson à plusieurs reprises. Lorsqu'on lui demande (20ème min) si le collège central croit être le porte parole de Dieu sur terre, celui-ci répond que "ce serait présomptueux" (pour eux de le croire). C'est pourtant ce qui ressort de nombreuses publications et les implications de cette fausse affirmation sont très graves car elles concernent les croyances de plus de 8 millions de personnes.

Steward : "Est-ce que vous vous considérez comme les porte paroles de Jéhovah Dieu sur terre ?"
Jackson : "Je pense que cela serait assez présomptueux de penser que nous sommes les seuls porte paroles que Dieu utilise"

S'en suit une discussion sur les relations entre les filiales et le collège central. Les filiales sont-elles indépendantes ? Suivent-elles Jéhovah ou le collège central ? Jackson affirme que l’allégeance des Témoins de Jéhovah revient à Jéhovah et que le collège central n'a qu'un rôle de "gardien de la doctrine". Toutefois les filiales ont quand même des compte à rendre au collège central (26è minute) et les congrégations rendent des comptes à la filiale de leur pays.

Vient ensuite le sujet des publications et des différents manuels tels que le livre "organisés", le livre des anciens et le livre pour l'organisation des filiales. Jackson affirme que le collège central n'est pas à l'origine de ces publications mais qu'elle sont écrites par d'autres personnes. Le collège central a pour rôle de vérifier la conformité des publications avec la Bible et vérifier que ces publications sont "traduisibles" en de nombreux langages. Toutefois lorsque Steward demande si le collège central endosse la responsabilité de tout ce qui est écrit dans les publications, Jackson répond que c'est bien le cas (31ème minute). Par contre, Jackson a dégagé la responsabilité du collège central dans les lettres envoyées par les filiales aux collèges d'anciens. Ce à quoi Steward répond en citant une lettre envoyée par la filiale d'Australie en 1998 aux collèges d'anciens concernant la "confidentialité" des affaires de pédophilie ainsi qu'une autre lettre du collège central envoyée dans le même temps pour apporter d'autres détails (concernant la mention de cette lettre dans une réunion de la congrégation). Cela tend à prouver que le collège central est impliqué dans les décisions prises par les filiales.

La question de l'interprétation biblique

A partir de la 39ème minute, le sujet de l'interprétation biblique du collège central est abordé. Steward met en évidence les changements de doctrine au fil des années, par exemple concernant l'usage du sang (les fractions sanguines). Jackson répond que les techniques relatives aux fractions sanguines sont assez récentes et qu'il s'agit d'une volonté du collège central de ne pas aller "au delà de l'écriture". La volonté exprimée par Steward est de démontrer que l'interprétation biblique du collège central peut être adaptée en fonction des époques. Jackson répond que c'est le cas sur des points mineurs. Le juge prend ensuite la parole (44ème min) pour signaler que les règles sociales et politiques ont évolué au cours des dernières années, particulièrement en matière d'abus sexuels sur mineurs. Ce à quoi Jackson répond que les publications des Témoins sont à jour sur les conseils et règles en rapport avec la pédophilie.

Le juge prend ensuite 1 Timothée 3:4 à propos de "tenir les enfants dans la soumission" puis Éphésiens 6:4 sur la "discipline de Jéhovah" et Proverbes 13:24 sur le "bâton de la discipline" et demande à Jackson ce qu'il en pense. Celui-ci affirme que bien qu'il soit possible que la punition corporelle ait été le premier sens de ces versets, ce n'est plus le cas actuellement. Finalement le juge en vient à la conclusion que le collège central interprète bien la Bible en fonction du contexte social de notre époque. Vient ensuite la question du juge "Est-ce que votre église accepte la punition corporelle ?". Réponse évasive de Jackson, la question est posée une deuxième fois. Nouvelle réponse évasive. Le juge pose une troisième fois la question. Jackson répond que l'organisation n'accepte pas la punition corporelle sur les enfants. "L'interdisez-vous ?" Jackson répond que les publications encouragent la discipline par l'enseignement.

La place des femmes dans l'organisation des Témoins de Jéhovah

Vient ensuite le sujet de la place des femmes dans l'organisation (51ème minute). Le juge souligne le fait que la société actuelle place désormais la femme à la même place que les hommes. Il met ensuite en évidence les cas d'abus sexuels au sein de l'organisation. Dans le cas des victimes féminines, le fait de témoigner devant un comité judiciaire uniquement composé d'hommes peut être traumatisant. "Est-ce que l'organisation est disposée à changer sur ce point ?". Ce à quoi Jackson répond, références bibliques à l'appui, que les femmes ne pourront jamais être "ancien" dans les congrégations tout en soulignant qu'elles ne sont pas considérées comme des "citoyennes de seconde zone". Il prend l'exemple d'un pilote et d'un copilote ce à quoi le juge répond qu'à notre époque, les femmes aussi peuvent être pilotes, la société ayant évolué sur ce point. 

A la 56ème minute Steward reprend la parole pour développer l'idée qu'il peut être traumatisant pour une victime féminine de comparaître devant un comité d'hommes afin de raconter et de détailler ce qu'il s'est produit lors de son agression, d'autant plus si son agresseur est également présent lors du comité. Jackson reconnaît qu'il s'agit là d'une question difficile et qu'il n'est pas la personne la plus qualifiée pour répondre à ce genre de questions. Steward demande ensuite si les Témoins de Jéhovah seraient prêts à faire évoluer leurs règles pour interdire clairement la réunion de l'agresseur et de sa victime lors du même comité judiciaire. Jackson répond que oui ("absolutely", 59ème minute).

Steward revient ensuite sur la dépendance des filiales au collège central concernant l'évolution des règles de gestion des cas d'abus sexuels. Là encore Jackson répond qu'il n'est pas capable de répondre sur ces points. Steward demande à Jackson ce qui se passerait si la filiale d'Australie était encouragée par le gouvernement à changer ses règles pour inclure les femmes dans le processus judiciaire, est-ce que le collège central approuverait ? Jackson répond que la filiale d'Australie devrait d'abord en parler au collège central afin qu'il puisse approuver cette décision et la rendre identique pour toutes les filiales. Steward demande alors ce qu'il se passerait si la filiale de Nouvelle-Zélande ou la filiale des Philippines par exemple voyait les choses autrement ? Est-il possible d'avoir des standards différents selon les pays ? La réponse de Jackson est oui (1h02).

Le juge reprend ensuite la parole pour revenir sur la présence souhaitable des femmes dans le processus d'enquête lors d'un abus sexuel chez les Témoins. "Y a-t-il une interdiction biblique sur ce point ?" Jackson répond que ce n'est pas le cas. "Y a-t-il une interdiction biblique au sujet de la présence de femmes dans les comités judiciaires ?". Jackson répond que c'est une bonne question mais que le rôle de "juges" chez les Témoins de Jéhovah revient aux anciens, des hommes. Lorsque le juge lui demande les références bibliques appuyant la règle des juges exclusivement masculins, Jackson cite 1 Timothée 3:1-3 (les surveillants / anciens) mais est incapable de citer un verset à propos des juges exclusivement masculins. Le juge essaie ensuite de faire comprendre à Jackson que la présence de femmes lors du processus d'enquête pourrait être une évolution souhaitable dans les règles des Témoins de Jéhovah. Après une longue discussion sur ce sujet, la question clairement posée à Jackson est la suivante (1h15'30") : "Pourriez-vous avoir une structure dans laquelle la décision judiciaire de la véracité ou non des allégations pourrait être tranchée par un comité incluant des femmes, la décision de l'excommunication ou non revenant aux anciens seuls ?" "Est-il possible de faire ce changement ?" Jackson répond à côté de la question. La question lui est donc posée à nouveau. Nouvelle réponse évasive de Jackson, on lui demande de répondre à la question. Nouvelle réponse évasive, on lui repose la question (1h18). Jackson s'excuse et affirme qu'il y a une possibilité pour le collège central de considérer cette question.

"Pourriez-vous avoir une structure dans laquelle la décision judiciaire de la véracité ou non des allégations pourrait être tranchée par un comité incluant des femmes, la décision de l'excommunication ou non revenant aux anciens seuls ?"
Jackson : "Une telle situation vaudrait la peine que l'on s'y intéresse, que l'on fasse des recherches et que l'on vérifie les Écritures oui. La possibilité de considérer ce point existe."

Steward reprend la parole (1h19) pour mettre l'accent sur la règle des deux témoins évoquée dans le livre des anciens pages 71 et 72. "Qui décide que le péché ("wrongdoing") est établi ?" Jackson répond que ce sont deux anciens qui décident cela après quoi un comité judiciaire est formé. "Est-il nécessaire bibliquement que ce rôle soit joué par deux anciens, plutôt que, par exemple, par une femme nommée par eux ?" Jackson répond à côté de la question, nouvelle tentative de Steward demandant une référence biblique sur ce point. Jackson cite 1 Corinthiens 11:3 ("le chef de la femme c'est l'homme"). Steward demande ensuite à Jackson de considérer 1 Corinthiens 14:33-35 ("que les femmes se taisent dans les congrégation") et constate que ce verset n'est pas appliqué par les Témoins de Jéhovah puisque les femmes sont autorisées à parler dans leurs congrégations. Jackson répond en expliquant que ce texte doit être remis dans son contexte (verset 28) et qu'une interprétation littérale de ces versets n'est pas appropriée dans ce contexte. Steward demande ensuite à Jackson (1h28) comment se fait le choix entre l'interprétation littérale d'un texte et l'interprétation selon le contexte. Après être longuement revenu sur l'explication biblique à propos de la place des femmes dans la congrégation (1 Timothée 2:11, 12 et 1 Pierre 3:1), Jackson veut démontrer que la Bible doit être considérée comme un ensemble ("la Bible explique la Bible").

Le report des cas de pédophilie aux autorités

M. Steward enchaîne avec la pratique relative au signalement des cas de pédophilie aux autorités du pays(1h32). "Y a-t-il une base biblique à ce règlement voulant que les cas de pédophilie ne soient pas signalés aux autorités sauf si ces dernières le demandent explicitement ?". Jackson répond que ce serait plus facile pour l'organisation que les pays rendent obligatoire ces signalements. En effet, selon lui, dans la situation actuelle les anciens sont dans une situation de "dilemme spirituel" entre respecter la confidentialité des confessions et accusations (Proverbes 25:8-10) et ne pas s'ingérer dans ces affaires pour ne pas "commander en maître" et influencer les personnes dans ce domaine pour respecter les droits de l'accusé (1 Pierre 5:2, 3). Steward prend l'exemple d'une enfant qui signale aux anciens qu'elle est abusée par son père. "Le respect de la confidentialité est-il plus important que la protection de cet enfant et de ses frères et sœurs ?". Jackson répond vaguement que ce n'est pas le cas et que dans ce cas les anciens devraient encourager les autres membres de la famille responsables de l'enfant à alerter les autorités. "Serait-il bibliquement possible pour les Témoins de Jéhovah d'adopter un règlement spécifiant que dans le cas ou d'autres personnes (que la victime) sont potentiellement en danger un signalement soit fait aux autorités ?". Réponse de Jackson : "C'est une chose que nous pouvons considérer" ce à quoi il rappelle que la conscience des anciens devrait dans ce genre de situation les pousser à reporter le cas aux autorités. Il déclare également pour la troisième fois qu'une obligation légale provenant des autorités du pays rendrait la situation plus simple.

"Serait-il bibliquement possible pour les Témoins de Jéhovah d'adopter un règlement spécifiant que dans le cas ou d'autres personnes (que la victime) sont potentiellement en danger un signalement soit fait aux autorités ?"
Jackson : "C'est une chose que nous pouvons considérer"

La règle des deux Témoins

Steward enchaîne avec le sujet de la "règle des deux témoins" (1h39) qui veut qu'en l'absence de confession deux témoins soient obligatoires pour établir la réalité d'un mauvais agissement conduisant à un comité judiciaire. Il demande à Jackson les références bibliques à ce sujet. Ce à quoi Jackson répond volontiers en citant Matthieu 18:16 ("pour que sur le dire de deux ou trois témoins toute affaire soit établie") mais il nuance en rappelant que ce n'est pas parce qu'il n'y a qu'un seul témoin que le "suspect" est totalement blanchi. Lorsque Steward demande des précisions sur ce point Jackson répond que le témoignage des enfants est pris très au sérieux et que dans ce cas les anciens prendront des mesures de protection à son égard. "Est-ce que c'est ce que les anciens du monde entier sont censés faire ?" "Ils le devraient car les principes chrétiens indiquent que si ils se rendent compte qu'un enfant est dans une situation dangereuse une action devrait être décidée".

Steward revient ensuite sur le texte de Matthieu et montre que Jésus reprend ici une loi mosaïque que l'on retrouve en Deutéronome 19:15 (1h43). "Pourquoi appliquer cette règle aux agressions sexuelles quand manifestement dans la Bible ce n'est pas le cas ?". Jackson répond qu'il s'agit d'un principe et que la congrégation chrétienne impose une pureté en son sein. Steward demande ensuite à prendre Deutéronome 22:23-27 (un homme qui couche avec une vierge fiancée, les deux lapidés si la fille n'a pas crié...). Il signale à Jackson que dans ce cas deux témoins ne sont pas requis pour juger de la culpabilité de ces personnes. Jackson est mis en difficulté et déclare maintenant que la règle des deux témoins dépend des circonstances. Steward insiste en demandant si Jésus, dans le cas d'une agression sexuelle n'aurait pas pu faire référence à cette loi ? Jackson avoue qu'il n'a pas de réponse à cette question. "Y a-t-il une base biblique à maintenir de manière rigide la règle des deux témoins ou le collège central peut-il reconnaître qu'il y a de la place pour un aménagement dans le cas des agressions sexuelles ?" (1h49) Jackson affirme vaguement que les circonstances peuvent parfois faire office de second témoin. Steward insiste et Jackson répond que cette règle est bibliquement fondée dans le cas des agressions sexuelles. Steward met ensuite en évidence le fait que dans le cas d'un adultère il n'y a pas forcément besoin de deux témoins de l'acte en lui-même pour établir le péché (référence au livre des anciens page 61 §11) mais que les circonstances (un homme et une femme passant la nuit seuls ensemble) peuvent faire office de preuve. "Cela ne pourrait-il pas être appliqué dans le cas des abus sexuels sur enfants ?". "C'est une chose que l'on aurait besoin de considérer attentivement", répond Jackson. Steward insiste pour que la règle des deux témoins en cas de pédophilie ne soit pas restreinte aux témoins de l'acte en lui-même mais que les circonstances soient prises en compte pour appuyer le témoignage. Par exemple le traumatisme évident de la victime devrait être considéré comme une preuve. Jackson acquiesce et montre sa volonté de coopérer avec la Commission sur ce point.

"Y a-t-il une base biblique à maintenir de manière rigide la règle des deux témoins ou le collège central peut-il reconnaître qu'il y a de la place pour un aménagement dans le cas des agressions sexuelles ? (...)"
Jackson : "C'est une chose que l'on aurait besoin de considérer attentivement"

Deuxième partie

L'excommunication et la liberté de religion

Cette deuxième partie est intéressante car elle entre dans les détails de la politique d'excommunication / dissociation. L'avocat A. Steward essaie de comprendre comment un membre de l'organisation peut officiellement ne plus être considéré comme Témoin de Jéhovah sans perdre tous ses amis et sa famille Témoins. G. Jackson essaie de montrer qu'un Témoin est tout à fait libre de cesser de prêcher et d'aller aux réunions (devenir "inactif"). Toutefois lorsque Steward, se référant au manuel "Organisés pour faire la volonté de Jéhovah", insiste à plusieurs reprises et lui demande si cette personne est toujours soumise aux règles de l'organisation (7ème min) la réponse de Jackson est étonnamment évasive (selon lui un inactif qui fête Noël ou un anniversaire ne subira pas forcément de comité judiciaire alors que le livre des anciens affirme le contraire). La question devra lui être posée plusieurs fois et de plusieurs manières différentes pour qu'il reconnaisse enfin, au bout de plus de 15 minutes passées à tourner autour de la question, qu'une personne "inactive" est toujours soumise aux règles de l'organisation et qu'à ce titre elle est considérée comme Témoin et peut toujours être excommuniée.

Steward mentionne ensuite le fait qu'un excommunié ou un Témoin qui quitte l'organisation de manière formelle perd toute sa famille et ses amis Témoins. Là encore Jackson est très mal à l'aise avec cette question et ne répond pas clairement aux questions. Steward cite le cas d'une victime d'abus sexuel qui souhaite quitter l'organisation. Dans ce cas la perte des relations avec sa famille ou ses amis toujours témoins peut être dévastatrice. "Acceptez-vous que mettre les gens devant ce choix est contraire à la croyance des Témoins de Jéhovah en la liberté de religion ?" Jackson n'est pas d'accord mais "comprend qu'on puisse avoir cette opinion" (20ème min) puis il insiste sur le fait qu'un Témoin de Jéhovah qui se fait baptiser n'est pas forcé à le faire et qu'il n'est pas non plus forcé à rester Témoin de Jéhovah. Ce à quoi Steward répond que de nombreux Témoins de Jéhovah se font baptiser très jeunes et qu'il ne sont pas forcément conscients des conséquences de cette décision sur le reste de leur vie. Jackson répond que dans certains cas les jeunes sont suffisamment matures pour prendre cette décision et que beaucoup restent fidèles à cet engagement. Steward affirme que certains le font peut-être par crainte de perdre tout leur entourage si il quittent l'organisation. Jackson répond que "tout est possible" (22ème min).

A propos de l'excommunication : "Acceptez-vous que mettre les gens devant ce choix est contraire à la croyance des Témoins de Jéhovah en la liberté de religion ?"
Jackson : "Non je n'accepte pas cela (...) mais je comprends que vous ayez cette opinion"
"Acceptez-vous que mettre les gens devant un tel choix fait apparaître votre organisation, sous de nombreux aspects, comme une organisation captive ?"
Jackson : "Je n'accepte pas cela du tout"
"Y a-t-il une base biblique sur laquelle vous voyez une évolution possible de votre organisation sur ce règlement ?"
Jackson : "Non"

Steward revient ensuite sur le cas d'un Témoin qui voudrait changer de religion. Celui-ci serait confronté aux conséquences néfastes de l'excommunication. L'avocat affirme à nouveau que cela "est contraire à la croyance des Témoins de Jéhovah en rapport avec la liberté de religion". Jackson nie. "Acceptez-vous que mettre les gens devant un tel choix fait apparaître votre organisation, sous de nombreux aspects, comme une organisation captive ?" . A nouveau Jackson nie. "Y a-t-il une base biblique sur laquelle vous voyez une évolution possible de votre organisation sur ce règlement ?". La réponse est non (25ème min).

Les "mensonges d'apostats"

Dans cette partie Geoffrey Jackson reconnaît aussi (25ème min) que les problèmes de pédophilie dans l'organisation, contrairement à ce qu'affirmait Stephen Lett il y a quelques mois sont une réalité et ne sont pas des "mensonges d'apostats" (27ème min, voir également cet article de presse (anglais)).

Le sujet des excuses et des compensations financières auprès des victimes a ensuite été soulevé (29ème min). Jackson a affirmé la possibilité de ces choses mais il a refusé de confirmer quoi que soit puisqu'il doit avant tout en parler aux autres membres du collège central.

S'en suit une discussion avec le juge sur l'aide apportée par l'organisation aux victimes (33ème min). Jackson met l'accent sur l'aide "spirituelle". Il répète également dans cette discussion que la déclaration des cas de pédophilie aux autorités dépend de la "conscience des anciens".

A partir de la 40ème minute des questions relatives à des cas précis de pédophilie en Australie lui sont posées mais, n'ayant pas eu le temps de considérer le dossier, il n'apporte pas de réponses particulièrement intéressantes.

Conclusion

Cette audition de Geoffrey Jackson, membre du collège central des Témoins de Jéhovah, s'est révélée très instructive. Si M. Jackson s'est montré ferme sur certains points tels que les femmes nommées anciens ou les règles d'excommunication, il s'est montré prêt à coopérer avec la Commission Royale pour faire évoluer certaines règles dans la gestion des cas de pédophilie au sein de l'organisation. Citons par exemple l'implication de femmes dans le processus d'enquête, la déclaration systématique aux autorités des cas "suspects" ou encore la règle des "deux témoins". Ces paroles resteront-elles lettre morte ou seront-elle bientôt suivies d'effets dans les congrégations ? L'avenir le dira.

En attendant, il y a un bon espoir pour les victimes de se voir prochainement dédommagées financièrement, peut-être même auront-elles droit à des excuses officielles de la part de l'organisation. Même si Jackson n'a pas voulu confirmer ces points, il ne fait aucun doute que la Commission se battra pour défendre au mieux ces victimes. 

Malheureusement il y a fort à parier que l'immense majorité des Témoins de Jéhovah n'entendront jamais parler de cette audition, ni de cette enquête en cours. Pour beaucoup en effet, les affaires de pédophilie dans leur organisation resteront des accusations mensongères et des idées néfastes répandues par les media et les apostats manipulés par Satan. On peut cependant espérer que la multiplication de ces affaires dans de nombreux pays obligera le collège central à communiquer sur ces sujets au moyen de lettres envoyées aux congrégations ou par l'intermédiaire de leur site de vidéo broadcasting. Mais peut-être suis-je en train de rêver éveillé...

Pour tous les non-Témoins, cette Commission est une opportunité "royale" d'exposer au grand jour les dirigeants et surtout certaines pratiques très discutables des Témoins de Jéhovah, telles que les secrets "comités judiciaires" ou encore les règles d'excommunication, contraires au principe de liberté de religion. Paradoxalement, c'est un principe que les Témoins de Jéhovah sont souvent prompts à défendre quand cela va dans leur sens. 

======================================================

La transcription complète de cette audition (en anglais) est disponible ici en PDF

Une traduction française a été réalisée par une lectrice : disponible ici en PDF

La playlist complète de toutes les auditions est disponible ici : Playlist Youtube

Voir aussi : Australie : plus de 1000 cas de pédophilie non signalés depuis 1950