Une grande enquête a été ouverte concernant des abus sexuels sur enfants au sein des Témoins de Jéhovah en Belgique. Une association recueille la parole des victimes. Elle dresse un premier bilan au bout de six mois.

Depuis de premières révélations en décembre 2018 puis en mars 2019, les récits d'abus sexuels sur enfant au sein des Témoins de Jéhovah se multiplient en Belgique. Le parquet fédéral a ouvert une enquête, des perquisitions ont été menées dans les locaux de la filiale belge des Témoins de Jéhovah fin avril et une organisation du nom de Reclaimed Voices a entrepris de recenser les cas d'abus. Résultat dévoilé ce 9 août par le quotidien belge Le Soir : 90 victimes ont déjà été comptabilisées en l'espace de six mois.

La gestion de la pédophilie au sein des Témoins de Jéhovah est particulièrement pointée du doigt. Selon le récit du Soir, lorsque quelqu'un est accusé, deux options se présentent : en cas d'aveu, l'abuseur, si il est "repentant", fera l'objet d'une "légère sanction mais sera rarement exclu et pourra même retrouver, plus tard, de hautes fonctions dans l'organisation". Si l'accusé nie, "deux témoins oculaires sont nécessaires pour valider les dires de l'enfant, sans quoi c'est ce dernier qui est accusé de calomnie et risque l'exclusion."

Un porte-parole des Témoins de Jéhovah belges assure pour sa part que son église est désormais très claire à l'égard des crimes pédophiles : "Si quelqu'un fait cela, on le dénonce aux autorités. Y a-t-il eu des erreurs par le passé ? C'est possible, mais aujourd'hui, c'est comme ça qu'on réagit." Ces propos sont toutefois à nuancer étant donné que cette dénonciation n'a rien d'automatique et peut varier selon les lois nationales en vigueur quant à l'obligation de dénoncer ces actes aux autorités. Nous pouvons lire en effet dans une récente Tour de Garde :

Les anciens obéissent-​ils aux lois imposant de signaler aux autorités une accusation d’abus sexuel sur enfant ? Oui. Là où de telles lois existent, les anciens les respectent (Rom. 13:1). Ces lois ne s’opposent pas à celles de Dieu (Actes 5:28, 29). Ainsi, quand les anciens prennent connaissance d’une accusation d’abus sexuel sur enfant, ils se renseignent immédiatement pour savoir comment se conformer aux lois exigeant de signaler ce genre d’abus. - La Tour de Garde de mai 2019, page 10 §13

Dire que les actes pédophiles, même présumés, sont systématiquement dénoncés aux autorités est donc un mensonge alors que cela devrait être la réaction normale de toute personne face à la détresse d'un enfant qui a été abusé sexuellement. Les autorités séculières, et non les anciens, sont les seules habilitées à mener une enquête et à établir les faits. Les parents, quant à eux, sont souvent désemparés et perdus face à une telle situation d'autant plus que pour un Témoin de Jéhovah, il peut être mal vu d'aller dénoncer l'un de ses frères ou soeurs à la police. Les anciens sont dans ce cas les seuls à pouvoir prendre cette décision. Pourtant, des milliers d'exemples dévoilés ces dernières années à travers le monde prouvent qu'ils refusent d'assumer cette responsabilité morale.

Reclaimed Voices dit s'attendre à recenser entre 200 et 250 victimes au bout de sa démarche en comparant la situation belge au cas hollandais. Aux Pays-Bas, 300 victimes se sont en effet déjà fait connaître auprès de la même association. L'organisation y compte 28.000 membres contre 25 000 en Belgique.

Sources :

Voir aussi : "A la gloire de Jéhovah" : Nouveau reportage TV sur les Témoins de Jéhovah