Je vous en parlais dans un article en début d'année, l'organisation des Témoins de Jéhovah a été condamnée aux Etats-Unis pour son refus de fournir aux juges des documents importants dans le cadre d'une affaire de pédophilie. Les Témoins de Jéhovah viennent de perdre en appel, d'une manière bien peu glorieuse.

L'organisation des Témoins de Jéhovah, la Watchtower Society, refuse toujours de fournir à la justice la base de données de tous les membres de l'organisation ayant été confrontés à des accusations de pédophilie. Cette base de données, que l'organisation a avoué posséder, pourrait aider à comprendre son fonctionnement dans la gestion interne des affaires de pédophilie, à constater les failles du système et surtout à éviter au maximum de nouvelles victimes (pour rappel : 1006 cas de pédophilie non rapportés rien qu'en Australie). L'amende de 4000$ par jour de retard est donc maintenue, depuis mars 2016, le cap des deux millions de dollars est désormais atteint !

Le compte-rendu du jugement en appel est disponible ici :

Voici quelques commentaires sur ce compte-rendu :

  • A la page 5, nous lisons notamment que "la Watchtower était au courant des actions de l'agresseur [nommé Campos] mais ne l'a pas dénoncé à la police et n'a pris aucune mesure pour l'empêcher de perpétrer d'autres viols". S'ensuit un récit de la gestion calamiteuse de ce cas par l'organisation depuis la première agression dans les années 80.

 

  • A la page 11, on note qu'au début des années 2000 une entité séparée de la Watchtower a été constituée ("the Christian Congregation of Jehovah’s Witnesses (CCJW)") avec des responsables différents et des comptes en banques séparés. L'argument avancé par l'organisation étant que certains documents étaient alors contrôlés par la Watchtower tandis que d'autres l'étaient par la CCJW. L'une des raisons pour lesquelles l'organisation n'a pas pu fournir les documents était donc, soit-disant, parce que "la Watchtower n'avait aucun contrôle sur la CCJW". On reconnaît bien là une tactique habituelle de l'organisation de se créer une nébuleuse d'associations en tous genres pour diluer au maximum sa responsabilité en cas de problème. Heureusement la justice n'est pas dupe et les liens étroits entre les différentes entités juridiques ont pu être démontrés à plusieurs reprise devant les tribunaux, que ce soit en Australie lors de la Commission Royale ou ici aux Etats-Unis. Dans le cas qui nous intéresse nous lisons à la page 13 du rapport que "les preuves indiquent que la création de la CCJW avait pour but de renforcer l'idée que les Témoins de Jéhovah sont une religion et pas simplement une société d'édition, comme la Watchtower pouvait être perçue". Ainsi la Watchtower ne peut pas se désolidariser de la CCJW.

 

  • Enfin, le rapport épingle à de nombreuses reprises la mauvaise attitude de l'organisation lors de ce procès, voici quelques extraits :
"Il est indiscutable que la Watchtower a abusé du processus de contentieux et a démontré peu de respect pour l'autorité supérieure de la cour" (page 27, c'est moi qui souligne)
"En tout, la Watchtower a soutenu qu'elle n'avait pas à produire les documents en réponse à la requête 12 pas moins de cinq fois. A chaque fois, cela a été un échec. La cour a autorisé la Watchtower à opérer certaines altérations dans les documents et s'est engagée à respecter la confidentialité et la non divulgation afin de protéger les informations sensibles contenues dans les documents produits. Toutefois, la Watchtower refuse de se conformer à l'ordre de la cour et maintient que la cour se trompe. En ce sens, la société refuse d'admettre l'autorité de la cour et rejette les règles et procédures que tous les plaideurs sont supposés suivre dans une cour supérieure [...]. En effet, nous trouvons l'attitude de la Watchtower tellement outrageuse que si elle continue à défier l'ordre du 25 mars 2016, des sanctions supplémentaires seront nécessaires et appliquées" (pages 28 et 29, c'est moi qui souligne)
"Au contraire, la cour supérieure a démontré beaucoup de patience et de flexibilité pour traiter avec un plaideur récalcitrant qui refuse de suivre des ordres valides et qui se contente de répéter les mêmes mauvais arguments" (page 38, c'est moi qui souligne)

Cette attitude digne d'un collégien effronté et indiscipliné est tout simplement lamentable quand on imagine toutes les affaires dramatiques qui se cachent dans ces documents tenus secrets. La société Watchtower sait très bien que les informations contenues dans ces fichiers sont susceptible de constituer une véritable bombe judiciaire. D'ailleurs à la page 38 nous lisons :

"Il est clair que ces réponses, au moins en partie, ont été faites en considération des futures poursuites qui pourraient être engagées dans les cas ou des pédophiles connus ont été placés dans des positions de responsabilité et d'autorité au sein de l'organisation des Témoins de Jéhovah"

Une fois encore, plutôt que de protéger les enfants, l'organisation choisit de se battre encore et encore pour protéger sa réputation (ou ce qu'il en reste) et, surtout, ses précieux comptes en banque. 

Pour ceux qui n'auraient pas suivi cette affaire depuis le début, l'article initial paru sur jw-verite.org peut être consulté ici :

 

Articles de presse sur cette affaire :